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théorie politique

Une réaction d’Espagne à propos du texte Pathologie sectaire dans la gauche communiste : de la forteresse assiégée à l’écroulement de la Baliverna

Publié le 30 Avril 2016 par Anibal, forum in politique

Une réaction d’Espagne à propos du texte Pathologie sectaire dans la gauche communiste : de la forteresse assiégée à l’écroulement de la Baliverna

Le 28 avril 2016

Salut, Je viens de lire ton texte « Pathologie sectaire dans la gauche communiste : de la forteresse assiégée à l’écroulement de la Baliverna» (site Controverses : www.leftcommunism.org/spip.php?article436&lang=es) Je veux poser une question et, en même temps, faire des commentaires sur quelques points.

Le sectarisme a existé et existe encore dans tous les secteurs et expressions de la gauche communiste internationale, y compris celles qui sont les plus critiques et opposées à Lénine ou à Bordiga et leurs divers adeptes. Quiconque dispose de connaissances et d’expériences peut le confirmer amplement.

Idem pour la gauche germano-hollandaise, où il y a eu de nombreuses expressions de sectarisme, avec purges internes, exclusions.

Idem pour les ramifications non bordiguistes de la «sinistra comunista», dans les groupes qui ont essayé de faire une synthèse entre la «sinistra comunista» italienne et le conseillisme (communisme des conseils).

Idem pour les groupes libertaires, situationnistes et/ou assimilés.

Des bagarres et des manipulations, des scissions, des épurations sont à l’ordre du jour, tout comme le sont les silences, l’obscurantisme, le doctrinarisme rhétorique et dogmatique, l’opportunisme et des changements sans explication ou «expliqués» de façon superficielle, la mégalomanie, les illusions, les névroses défensives et offensives, les hallucinations et prévisions idéologiques défendues comme des réalités matérielles et historiques et d’autres attitudes propres aux sectes politiques ou religieuses traditionnelles. La casuistique est différente, mais il y a quelque chose de commun, et pas simplement imputable à la discipline centraliste de Lénine ou à l’invariance du marxisme de Bordiga.

Pourquoi n’en tiens-tu pas compte ?

Ton texte apparaît surtout comme l’expression d’une défense de la générosité anti-sectaire du conseillisme, ou d’un marxisme partisan de la liberté, comme celui que tu cites de Karl Korsch ou Rosa Luxemburg.

Difficilement soutenable dans la pratique même d’un tel marxisme depuis la Ligue des communistes elle-même, qui a exclu certains de ses membres pour des raisons justifiées mais jamais parce qu’ils étaient libertaires. «Aussi une fraction se sépara-t-elle de la Ligue des communistes, ou bien si l’on veut on en exclut une fraction, qui si elle ne tenait pas aux véritables conspirations, demandait au moins à en avoir l’apparence et recherchait l’alliance des héros éphémères de la démocratie, la fraction Willich-Schapper.» (Karl Marx, Révélations sur le procès des communistes de Cologne (1852), ch. VI)

D’autre part, le sectarisme se retrouve aussi en pratique dans la vie de la classe ouvrière et dans les secteurs petits-bourgeois qui fournissent des éléments aux groupes de la gauche communiste internationale, et qui disséminent l’esprit de concurrence, les illusions, la mégalomanie, l’opportunisme et différentes tendances névrotiques et adaptatives-conservatrices de l’ordre capitaliste général.

Il y aurait plus d’arguments à donner, mais je ne m’étends pas plus.

Le sectarisme provient aussi de la nécessité de maintenir un état de lutte quand il n’y a pas de lutte, ou qu’elle est insignifiante, ainsi que d’intransigeance face à l’ennemi, sans se préoccuper du fait que pour un tel «ennemi» on représente l’insignifiance; à l’ennemi, on substitue des éléments internes à l’organisation et les tendances concurrentes afin de contribuer à l’endoctrinement et à l’encadrement du petit nombre de gens qui se rapprochent du communisme internationaliste.

Le sectarisme provient aussi du mal-vivre de vieux révolutionnaires qui n’ont pas atteint leurs objectifs et qui projettent leurs manies, leurs peines et leurs névroses sur les autres, tentant ainsi de renforcer les liens grégaires dans leur groupe, surtout s’ils sont dirigeants ou aspirent à l’être, comme cela se constate régulièrement. Mais le sectarisme signifie surtout qu’on remplace la lutte réelle, l’effort réel, par des spectacles et des représentations, des rites organisationnels et politiques qui sont une tentative d’enfermer totalement les militants qui, en général, manquent d’expérience, de moyens, de temps et ont besoin de chercher d’autres sources d’informations et de formation pour développer au mieux leurs propres critères de jugement.

Dans un tel contexte, les formes de centralisation sont nécessairement bureaucratiques ou bien elles produisent l’inverse, des rapports organisationnels lâches qui ne protègent pas plus du virus sectaire. Dans un tel processus d’existence et de représentation, le groupe ou l’individu sectaire sélectionne et limite son champ d’inquiétudes, ses bilans, ses critiques et ses méthodes d’interprétation et d’intervention. Tout ce qui n’est pas dans le cadre est rejeté, que ce soit avec une rhétorique peu convaincante - et sans aucune vérification par la praxis - ou en générant un type de militant sectaire, borné, suiviste-queuiste, dogmatique et impuissant hors du bercail du groupe ou qui feint de ne pas l’être et se tient en marge du sectarisme quand il n’est pas à l’intérieur. En somme, la mythologie est luxuriante.

Les mystifications sont éparpillées, mais la cohérence est toujours ce qu’imagine ou projette le groupe. Quand on en décèle les limites et qu’on entre sur le terrain des erreurs et des illusions, des insuffisances et des inconsistances, le groupe se croit attaqué et décide de garder publiquement le silence ou d’attaquer soit publiquement soit en privé. Il y a une série de faiblesses, d’inadéquations et d’erreurs répétées à propos du marxisme qui nourrissent la crainte d’avoir à les confronter. Et, si on ne les comprend pas et on ne les dépasse pas, on ouvre une autre brèche dans le développement du doctrinarisme et du sectarisme.

Leurs expressions diffèrent dans les diverses ramifications, et cela accentue les tendances sectaires. L’information ne circule pas; la collaboration dans ce qui est commun et pour la lutte nécessaire contre l’État bourgeois et le capital ne se concrétise pas; la discussion en termes théoriques et scientifiquement acceptables, de façon nécessairement critique et solidaire entre camarades, ne se développe pas. Il y a de nombreuses attaques, réelles ou supposées, qui entraînent la réouverture permanente des blessures, lesquelles l’emportent sur la haine du capitalisme et la dynamique de l’organisation indépendante du prolétariat.

Même quand la lutte de classe se développera, ces tendances continueront à être présentes, bien qu’il soit certain qu’elles seront contrecarrées par l’action de la classe; elles seront peut-être atténuées, ou même dépassées. Mais je suis sceptique sur ce plan. Les maux engendrés par cette civilisation sont très profonds et ils sont très pernicieux.

Les tendances et luttes sectaires restent à l’ordre du jour, avec tout l’épandage de merde que cela implique. Il en découle que nous qui nous protégeons de ces tendances sectaires tentons de donner une image différente de l’activité critique et révolutionnaire, sans succès… mais avec nos différences.

Voici pour le moment, en résumé, mon diagnostic.

Salutations dans la lucidité,

ANIBAL (forum inter-rev, Espagne)

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