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théorie politique

Le congrès du KAPD (août 1920) face au danger du national-bolchevisme, un danger toujours actuel

Publié le 19 Juillet 2016 par Philippe Bourrinet in histoire politique

congrès du KAPD d'août 1920 en pdf, avec introduction, et notes, plus annexes et illustrations

Publication du texte d'introduction au congrès du KAPD d'août 1920 contre le national-bolchevisme.

Le texte est disponible ici sur notre site en pdf, accompagné de la traduction en français du procès-verbal du congrès, avec de nombreuses photos et quelques documents illustratifs.

Le Parti communiste-ouvrier d’Allemagne, le KAPD, reste en partie connu grâce à son critique le plus célèbre, Vladimir Ilitch Lénine, qui en juillet 1920 eut le mérite de résumer les principales divergences entre le bolchevisme et ses critiques de gauche (Linksradikalismus) : parlementarisme révolutionnaire » ou antiparlementarisme révolutionnaire par l’action des larges masses ouvrières pour la conquête du pouvoir; adhésion aux syndicats réformistes ou formation d’organes de lutte révolutionnaire. Et surtout qui exerce le pouvoir lors d’une véritable révolution prolétarienne : un parti unique, lui-même dominé par un chef unique, ou l’ensemble de ce prolétariat qu’il est censé «représenter» et auquel il s’est définitivement substitué.

Citant une brochure de l’Opposition du KPD à Francfort, qui venait d’être exclue manu militari en octobre 1919 du KPD, Lénine lui donnait la parole longuement, estimant que ses positions traduisaient des doutes sérieux sur la politique du bolchevisme au pouvoir, où selon le mot de Lénine il ne pouvait y avoir que deux partis en présence, l’un au pouvoir, l’autre en prison :

La question se pose : qui doit exercer la dictature : le Parti communiste ou la classe prolétarienne ? … Faut-il tendre en principe à la dictature du Parti communiste ou à la dictature de la classe prolétarienne ?... … la domination du Parti communiste est la forme dernière de toute domination de parti. Il faut tendre en principe à la dictature de la classe prolétarienne. Il faut par suite repousser de la façon la plus décidée tout compromis avec les autres partis, tout retour aux formes parlementaires de lutte qui, historiquement et politiquement, ont fait leur temps, toute politique de louvoiement et d’entente… Le point de rassemblement de tous les éléments révolutionnaires est l’Union ouvrière qui a à sa base les organisations d’usine. C’est là que doivent se réunir tous les ouvriers qui suivent le mot d’ordre : Sortez des syndicats ! C’est là que le prolétariat militant se formera en rangs serrés pour le combat. Pour y entrer il suffit de reconnaître la lutte de classe, le système des conseils et la dictature… Ainsi deux partis communistes se trouvent maintenant en présence : L’un est le parti des chefs qui entend organiser la lutte révolutionnaire et la diriger par en haut, acceptant les compromis et le parlementarisme… L’autre est le parti des masses, qui attend l’essor de la lutte révolutionnaire par en bas … (dont la seule) méthode est celle du renversement résolu de la bourgeoisie, afin d’instituer ensuite la dictature prolétarienne de classe et réaliser le socialisme…

Chose étrange, Lénine, dans sa brochure terminée en mai 1920, ne voyait dans le national-bolchevisme, défendu par la section de Hambourg du KAPD, qu’une question de fausse «tactique» autour du traité de Versailles, qu’il s’agissait de reconnaître temporairement comme le traité de Brest-Litovsk, et non une question de principe, celui de l’internationalisme : Il ne suffit pas de renier les absurdités criantes du ‘bolchevisme national’ (Laufenberg et autres), qui en vient à préconiser un bloc avec la bourgeoisie allemande pour reprendre la guerre contre l’Entente, dans le cadre actuel de la révolution prolétarienne internationale. … Si la Russie a pu à elle seule supporter, avec profit pour la révolution, pendant plusieurs mois, le traité de Brest-Litovsk, il n’y a rien d’impossible à ce que l’Allemagne soviétique, alliée à la Russie soviétique, supporte avec profit pour la révolution une plus longue existence du traité de Versailles.

Le congrès d’avril 1920 allait permettre de préciser les positions du KAPD, qui n’était pas par tactique «national-bolchevik» mais par principe antinational. Un monde socialiste serait un monde fédéré et unifié de conseils territoriaux, mais en aucun cas une espèce de Société des nations «socialiste» «soviétique», où coexisteraient des «patries» et des «nations» agissant comme autant d’individus aux intérêts parfaitement égocentrés.

Pour le KAPD, c’était un pur non-sens, d’envisager, comme Lénine, l’inspirateur de la Constitution soviétique, des nations «socialistes» «alliées» ou «sœurs». Cette perspective était lourde d’antagonismes nationaux dans cette nouvelle «famille socialiste» peuplée de «frères» et de «sœurs», dont les «droits» étaient destinés à être foulés aux pieds, selon la loi du plus fort.

Comme le montrèrent les débats du Congrès, le national-bolchevisme n’était pas la seule marque de fabrique de la Tendance de Hambourg, celle de Laufenberg et Wolffheim. C’est une marque qui n’avait pas de copyright. Le ver était déjà dans le fruit russe soviétique, avec la promulgation de la nouvelle constitution panrusse, que Laufenberg ironiquement traduit par panslaviste. La défense des intérêts panrusses du nouvel État soviétique à l’occasion de la «guerre révolutionnaire» contre la Pologne était porteuse de mauvaises augures, celle de la mutation du bolchevisme – «à valeur universelle» selon Lénine et Trotsky – en un national-bolchevisme, parfaitement national et patriotique.

Comme le proclamait le secrétaire du Komintern Karl Radek, en juillet 1920, «tous les travailleurs du monde entier doivent être à présent des patriotes russes». Il est symptomatique que, dans les débats, les partisans de Laufenberg et Wolffheim se soient gaussés de l’universalisme de leurs adversaires du KAPD, en les qualifiant d’Einheitsmenschen, hommes de l’universel. Une manière de rejeter toute perspective d’un être humain universel, d’un citoyen du cosmos réconcilié avec la nature, idée présente chez les philosophes grecs antiques, puis reprise par la pensée des Lumières, pour être finalement détruite par l’idéologie nationaliste, belliciste et raciste, propre au XIXe siècle, celui du capitalisme triomphant, un système en guerre permanente contre la Nature.

Quant à l’infantilisme du KAPD – Kinderkranheit, selon Lénine – sur la question des chefs et du centralisme, le congrès devait poser la question sur d’autres bases que la tactique du parlementarisme : des «chefs», oui, mais dans la lutte révolutionnaire, pas au parlement. Le centralisme, oui, mais à condition qu’il ne serve pas à des manœuvres de couloir pour exclure toute opposition; centralisme, oui, et même renforcé, mais – comme l’affirma Alexander Schwab – à condition qu’il serve à réellement centraliser la lutte révolutionnaire, pour éviter d’être battu «paquets par paquets» par la contre-révolution en marche, après la grave défaite de mars-avril 1920 dans la Ruhr.

Le congrès de fondation du KAPD, qui comprenait alors plus de 38.000 militants, s’était tenu à Berlin du 2 au 4 avril 1920 dans une grande précipitation, tout juste après l’échec du putsch de Kapp, alors que la Reichswehr marchait sur la Ruhr pour écraser l’insurrection ouvrière qui avait répondu à ce putsch. Le KAPD, pour reprendre une image de son principal dirigeant Karl Schröder , était bien l’«enfant de la Révolution».

Mais l’échec de l’insurrection, définitivement brisée par la Reichswehr et les corps francs – sur ordre du nouveau chancelier social-démocrate Hermann Müller , et de son ministre de l’intérieur, lui aussi social-démocrate, Carl Severing – ne marquait-t-il pas une «nouvelle étape» dans la Révolution allemande? Surgi comme un champignon d’une gigantesque grève générale (12 millions de grévistes), débouchant sur la plus grande insurrection de l’histoire du mouvement ouvrier allemand (l’Armée rouge de la Ruhr était composée de 50.000 à 80.000 ouvriers), le KAPD se situait d’emblée sur le «terrain de la IIIe Internationale», celui de l’« action révolutionnaire » et non des « résolutions de congrès ».

Contrairement à la direction du KPD – Paul Levi , Wilhelm Pieck , Brandler , Thalheimer , Fritz Heckert et Clara Zetkin –, l’opposition du KPD, puis le KAPD s’étaient refusé à tout compromis avec la bourgeoisie allemande, se plaçant sur un terrain de lutte décidée contre son État (armée et corps francs), rejetant toute action tactique du passé (action syndicale et parlementaire). Karl Radek, le mentor du KPD, avait traité dans sa prison dorée de Berlin, en 1919, avec les représentants de l’État allemand (Walther Rathenau, magnat des affaires et homme politique, des officiers) pour établir une entente entre la Russie bolchevik et l’Allemagne républicaine.

La politique « nationale-bochevique » est bien déjà en place, celle d’une éventuelle «guerre révolutionnaire» contre l’Entente. L’amiral Hintze, ancien attaché naval allemand à Saint-Petersbourg – selon «une page de souvenirs» de Radek – «était partisan d’une entente avec la Russie soviétique», demandant à Radek si la «révolution mondiale» se déclencherait «à l’ouest à temps pour empêcher l’Entente d’étrangler l’Allemagne».

Lors du putsch de Kapp-Lüttwitz du 13 mars 1920, le KPD s’était d’abord proclamé « neutre » entre le gouvernement social-démocrate d’Ebert-Scheidemann et les putschistes, et renoncé à lancer tout appel à l’insurrection, empruntant par là une pose typiquement maximaliste. Paul Levi, en prison, fait sortir une lettre où il critique cet attentisme du KPD, qu’il qualifie de «crime et de « coup de poignard dans le dos de la plus grande action du prolétariat allemand» . Lorsque l’insurrection ouvrière se répandit dans toute l’Allemagne, de Schwerin jusqu’à l’Allemagne centrale, et surtout la Rhénanie-Westphalie, le KPD finit par proclamer son «opposition loyale» à un «gouvernement ouvrier» qui comprendrait le SPD et les syndicats officiels.

Lorsque le nouveau gouvernement Bauer (SPD) se constitua et envoya ses délégués faire signer un «compromis» de désarmement des ouvriers insurgés (Accords de Bielefeld), seuls les communistes de gauche refusèrent de signer un accord qui allait livrer les insurgés à la vindicte de la Reichswehr et des corps francs. Les deux représentants du KPD – avec l’appui de Wilhelm Pieck – et le député USPD Otto Brass – avant leurs retrouvailles dans le même parti, le VKPD fondé en décembre 1920 – avaient signé ces accords (les Accords de Bielefeld) , le 24 mars, un acte de capitulation qui fut rejeté à une écrasante majorité dans les principaux centres de l’insurrection. Lors du premier congrès du KAPD, dit Congrès de fondation, des délégués de Rhénanie-Westphalie se succédaient à la tribune pour apporter des informations et surtout demander au nouveau parti ce qu’ils devaient faire dans cette situation d’insurrection, vécue comme un moment décisif de la Révolution mondiale. Quelle était la place du parti et des unions dans le processus révolutionnaire ? Quelle serait la place du KAPD et des Unions dans l’émergence de l’Internationale communiste, constituée par les bolcheviks en mars 1919 ? En conséquence quel parti se situait le mieux sur «le terrain de la IIIe Internationale», le KPD, qui avait expulsé la minorité intransigeante en octobre 1919, au Congrès de Heidelberg, ou le KAPD qui était né lui-même de la lutte révolutionnaire ?

C’est dans ces conditions que le KAPD décida d’envoyer deux délégués faisant partie de la direction du parti – Jan Appel , figure ouvrière des grandes grèves des chantiers navals de Hambourg, et Franz Jung , écrivain dadaïste converti à l’expressionnisme – pour demander non seulement l’adhésion du KAPD au Komintern, mais l’exclusion du KPD dirigé par Paul Levi, Wilhelm Pieck et Clara Zetkin, pour son «opposition loyale» au nouveau gouvernement social-démocrate. Celui-ci venait tout juste de succéder à Kapp, et n’allait pas tarder à envoyer l’armée, renforcée par les corps francs, dans la Ruhr. Cette demande d’adhésion du KAPD au Komintern était en elle-même digne d’un film d’aventures. Le 21 avril, depuis Cuxhaven, avec l’aide décisive de l’aventureux matelot Hermann Knüfken , armé d’un revolver, membre de l’Union des marins, mais aussi avec la complicité active de l’équipage, Franz Jung et Jan Appel détournent un chalutier vers Mourmansk – le Senator-Schröder.

Cette décision de gagner la Russie révolutionnaire était devenue impérative, car du 2 au 6 avril environ la Reichswehr, renforcée par les corps francs (officiellement dissous!), avait détruit ce qui restait de l’Armée rouge (Rote Armee) de la Ruhr, dont 3.000 miliciens périrent, les prisonniers étant exécutés sommairement. De nombreux bataillons de l’Armée rouge avaient préféré s’enfuir dans la Zone occupée par les armées française, belge et britannique pour échapper au massacre programmé par la Reichswehr. Le mot d’ordre qui guidait ces bataillons dans la défaite était : «Plutôt une occupation de la Ruhr par l’Entente que par la Reichswehr». Cet envoi de délégués était donc aussi un véritable appel au secours lancé au Komintern pour «sauver la Révolution allemande». Parvenus à Mourmansk, couverte de drapeaux rouges, pour le premier mai, les «camarades pirates» – comme les surnommera Lénine – atteignent enfin, via Petrograd, le 7 mai Moscou, « nouvelle Rome » de la Révolution mondiale.

Les trois délégués expliquent leur point de vue à Radek qui leur tend un exemplaire de la KAZ de Hambourg, l’organe du national-bolchevisme, qui dénonce les « Papes de Moscou ». Ils apprennent avec stupeur que les « Papes de Hambourg », Laufenberg et Wolffheim ont lancé le premier mai un appel à la « guerre populaire révolutionnaire », qui devrait se traduire par une alliance de la Russie bolchevik avec une Allemagne unie nationalement contre l’Entente et ses alliés polonais; qu’ils ont même pris contact avec des cercles réactionnaires, comme celui du comte Reventlow. Or, au même moment, l’Armée rouge commençait à marcher sur Varsovie, après avoir chassé les troupes polonaises qui avaient envahi l’Ukraine.

Les discussions avec les chefs du Komintern s’avèrent difficiles. Ceux-ci sont très impressionnés par l’acte spectaculaire des « camarades pirates », en particulier Lénine informé tout de suite de leur arrivée à Mourmansk, et Radek qui en casse même son téléphone… Puis c’est l’entrevue avec le Petit comité de l’exécutif du Komintern , où ils expliquent les positions du KAPD, totalement déformées par le KPD et Radek. Lénine reçoit très chaleureusement les trois délégués (Appel et Jung pour le KAPD; Knüfken pour l’Union des marins), tout en se prêtant volontiers à l’art de son sculpteur officiel, et leur fait remettre la Maladie infantile du communisme qu’il vient tout juste d’achever.

Lorsque Jung et Appel reprirent le chemin de l’Allemagne vers le 8 juin, laissant sur place Hermann Knüfken, ils avaient reçu au dernier moment, quasiment glissée dans leur poche, La lettre ouverte au KAPD , exigeant non seulement l’exclusion immédiate de Laufenberg et Wolffheim, mais aussi celle d’Otto Rühle. Pour Jung et Appel, la demande d’exclusion de Rühle fut un choc, malgré leur enthousiasme pour la Révolution russe.

Otto Rühle, autant que Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, symbolisait et incarnait la lutte révolutionnaire menée en Allemagne contre la guerre et pour le renversement du capitalisme international. N’est-ce pas lui qui avait tenu le 25 octobre 1918 un discours enflammé au Reichtstag, se terminant par un appel à l’action révolutionnaire dans tous les pays : Ce n’est pas d’une Société des nations de type Wilson ou d’un modèle analogue, seulement réalisable sur la base du régime capitaliste, que la classe laborieuse attend sa libération et son sa-ut; elle aspire à la fraternisation de tous les peuples afin d’établir une association qui garantisse durablement la paix et la civilisation sous le signe du socialisme victorieux. J’appelle toute la classe ouvrière, et en particulier la classe ouvrière d’Allemagne, à conquérir ce socialisme par la révolution ! L’heure de l’action a sonné ! . Appel, Jung et Knüfken ignoraient que, sans nouvelles d’eux, le KAPD avait décidé d’envoyer deux autres délégués : Otto Rühle , en personne, puis August Merges , afin de participer au Deuxième congrès du Komintern, dont la date inaugurale était, croyaient-ils, le 15 juin (au lieu du 15 juillet).

Rühle touchait le sol russe le 16 juin, puis atteignait Moscou trois jours après. Tout de suite il prit contact avec Radek, avec qui il avait collaboré avant 1914 dans la presse socialiste allemande. Il s’aperçut vite que Radek était le réel mentor du KPD (Spartakusbund) et même le guide éditorial de la Rote Fahne. L’«absolue vilénie», «le manque total de scrupules» de Radek le heurtent profondément d’autant plus que ce dernier refuse de lui remettre la «Lettre ouverte au KAPD» de l’Exécutif, signée Zinoviev et Radek. En attendant l’arrivée d’August Merges, délégué du KAPD (et ancien président de la République socialiste des conseils de Braunschweig), il entreprit – souvent sans accompagnateurs officiels – une véritable «enquête de terrain» dans la nouvelle Russie, de Kachira à Nijni-Novgorod, Kazan, Simbirsk, Samara, Saratov, Tambov, Tula, etc. Partout il reconnut tout ce qu’il rejetait viscéralement : centralisme à outrance, terrorisme, «despotisme de clique dominante», en totale opposition au principe d’«auto-développement de la conscience des masses» jusqu’à son plus haut degré de «maturité politique» dans son avant-garde, le KAPD. Peu après, Merges arrivait à Moscou début juillet. Les 21 conditions d’adhésion, ainsi que l’acceptation officielle des tactiques parlementaire et syndicale conduisirent Rühle et Merges à ne pas participer au congrès du Komintern malgré la voix consultative, puis surtout délibérative qui leur était accordée. Ils rentrèrent donc en Allemagne volontairement bredouilles, mais avec la conviction chez Rühle que, sous la conduite des bolcheviks, le «prolétariat russe était encore plus soumis à l’esclavage, à l’exploitation, à l’oppression qu’en Allemagne capitaliste» .

Pour Merges, cela ne faisait aucun doute, la Russie par son retard économico-social resterait un maillon faible du socialisme : Si la Russie est le premier pays à avoir connu la révolution sociale, ce sera cependant le dernier pays à voir se réaliser le socialisme.

Cette attitude fut vivement critiquée par la centrale du KAPD, qui devait maintenant se soumettre rapidement aux conditions préliminaires à toute discussion sur son adhésion au Komintern : l’exclusion non seulement du national-bolchevisme de Hambourg, incarné par Laufenberg et Wolffheim, mais aussi celle d’Otto Rühle pour ses positions anarchisantes, fédéralistes et anti-centralistes. Ainsi, lorsque tous les délégués du KAPD furent rentrés sains et saufs en Allemagne, après de longs détours par la Norvège, la Suède et le Danemark, les positions de l’Exécutif du Komintern, le contenu de leurs discussions avec ce dernier étaient maintenant connues. Tout cela pesait lourdement sur l’orientation du KAPD, dont le congrès devait se tenir début août. Si tous sont d’accord qu’il faut éliminer la tendance national-bolchevik, la question de l’adhésion au Komintern et l’ultimatum posé d’exclure Rühle, symbole incontournable de la lutte contre la guerre, sont loin de faire l’unanimité, pour des raisons très diverses qui apparaîtront au grand jour lors du congrès.

Le deuxième congrès du KAPD a été dénommé «premier congrès ordinaire» pour bien marquer que le parti reposait désormais sur un socle solide, avec son programme et ses statuts d’organisation, dans une discontinuité avec le spartakisme de Paul Levi, Wilhelm Pieck et Clara Zetkin, pleinement assumée. Il se tint dans une banlieue tranquille de Berlin, à Weißensee, au restaurant Zum Prälaten (Au Prélat), un haut lieu de rencontre de révolutionnaires, où s’était formée en décembre 1918 la section locale du KPD (Spartakusbund), puis celle de l’Opposition qui avait été exclue lors du congrès d’octobre 1919 à Heidelberg. Cette opposition à Weißensee était dirigée par Arthur Michaelis, un militant de premier plan, dont le nom n’apparaît pas dans les débats du congrès pour des raisons évidentes de sécurité.

Ce congrès du KAPD, qui fut présidé de bout en bout et avec un grand doigté par Fritz Rasch , permanent rémunéré du parti, regroupa environ 70 personnes, une quinzaine d’hôtes et les 56 délégués désignés par les 40.000 membres du parti, un chiffre très préoccupant pour le KPD qui comptait alors 66.323 membres (chiffres donnés par l’historien Hermann Weber pour le mois de juillet 1920). Ces 56 délégués dûment mandatés représentaient les 15 districts économiques du parti. Deux mandats, contestés par les nationaux-bolcheviks, furent annulés : ceux de la cité sœur de Hambourg, Altona, dont les deux délégués (Piepkorn et Krannich) demandaient l’expulsion du national-bolchevisme.

Il en résulta, après vérification de la Commission des mandats, que 43 délégués avaient voix délibérative. Plusieurs grandes questions devaient être rapidement résolues par ce congrès, qui était tout sauf ordinaire :

• nation et lutte de classe (deux co-rapporteurs : Arthur GOLDSTEIN et Heinrich LAUFENBERG)

• la question du programme communiste (introduite par Karl SCHRÖDER)

• l’adhésion à la IIIe Internationale (rapport de Franz JUNG; complément d’ADOLF DETHMANN)

• les rapports entre parti et organisation d’usine (introduction de Kurt KUSCHEWSKI, AAU)

• le cours nouveau : organisation, finances et situation politique (rapports de Fritz RASCH et Emil SACH; rapport d’Alexander SCHWAB)

Tous ces points étaient suivis de l’adoption de résolutions, dont les plus attendues étaient l’expulsion de la tendance national-bolchevik et l’adhésion à la IIIe Internationale. I. L’élimination du national-bolchevisme La tendance «national-bolchevik» de Hambourg, autour de L. et W., était devenue une véritable épine dans le pied du KAPD, par l’influence même dont ils jouissaient à Hambourg depuis 1915, et surtout depuis la Révolution de novembre 1918. Ceux que l’on appelait ironiquement à Hambourg les dioscures (Castor et Pollux), sauveurs de la révolution , avaient un parcours et une aura politique différente. Fritz Wolffheim, émigré aux USA, avait rédigé en 1912-1913 le Vorwärts der Pacific-Küste à San Francisco, organe des IWW. Il était revenu à Hambourg où il s’intégra dans le groupe dominé pendant la guerre par les personnalités de Laufenberg et de Paul Frölich. Selon ce dernier, bien qu’«orateur très habile», Wolffheim «souffrait d’un manque de solide culture marxiste», et devenait vite incontrôlable, oscillant entre «état de frénésie politique» et pur «délire» mégalomane .

Il en allait autrement de Heinrich Laufenberg. Ce placide Rhénan catholique, qui avait rompu le Zentrum (catholique) en 1909 pour adhérer au SPD, était la personnalité majeure du Hambourg ouvrier, où il s’était installé et dont il était devenu l’historien majeur.

Tous deux avaient critiqué en août 1914 la politique d’Union sacrée (trêve politique des partis avec le gouvernement). Ils s’étaient affrontés aux tendances impérialistes du Hamburger Echo, passé aux mains de la social-démocratie de droite. Ils avaient publié un livre en 1915 intitulé Démocratie et Organisation, dont certains passages étaient déjà litigieux (voir infra). Leur nom restait lié à la publication de la revue internationaliste Der Kampf, à Hambourg. Leur incorporation dans l’armée, leurs emprisonnements successifs leur avaient donné un incontestable brevet de résistance à la guerre impérialiste et au militarisme impérial. Propagandiste en mars 1919 des Unions ouvrières, qu’il voyait comme une forme de syndicalisme révolutionnaire rénové , adulé par les 12.000 ouvriers des chantiers navals, qui s’y étaient majoritairement ralliés, Laufenberg restait pour Paul Frölich, de la Gauche de Brême, «un point d’interrogation», dont seul le syndicalisme anarchisant était incontestable . «Extrêmement savant», «intellectuellement très supérieur», doué d’«autorité», il tombait souvent, selon Frölich, dans des «chinoiseries théoriques», pratiquait l’art du «clair-obscur intentionnel» et recourait volontiers à des manœuvres «tactiques secrètes». Nommé en novembre 1918 président du Conseil d’ouvriers et de soldats de Hambourg, il oscillait entre recherche d’un compromis pacifique avec les pouvoirs en place, fuyant tout affrontement armé , et «radicalisme extrême» (antisyndicalisme, antiparlementarisme, proclamation de la dictature du prolétariat).

Ses nombreuses interventions, très suivies, au balcon du Rathaus de Hamburg lui valurent le sobriquet de «dictateur rouge». Conduisant l’opposition au KPD, lors du Congrès de Heidelberg, Wolffheim et Laufenberg avaient appelé le 25 octobre 1919, dans leur propre organe (la KAZ hambourgeoise), à la «constitution d’un nouveau parti», après leur expulsion au congrès de Heidelberg, sans en aviser l’Opposition de Berlin. Or, depuis le printemps 1919, le national-bolchevisme de L. et W. se développait au grand jour, surtout depuis l’entrée en vigueur du Traité de Versailles en janvier 1920, dont l’extrême sévérité à l’égard de l’Allemagne donnait du grain à moudre à ses thèses «national-révolutionnaires». Même si Radek avait aussi agi dans ce sens pendant son emprisonnement à Berlin, il l’avait néanmoins fortement critiqué en décembre 1919 sous le pseudonyme d’Arnold Struthahn . Avec de forts arguments, il avait condamné l’Adresse à la classe ouvrière allemande signée par L. et W., qui en appelait à une «Union sacrée révolutionnaire» contre l’Entente. Depuis, il ne se passait pas de jour sans que le KPD ne dénonçât le «national-bolchevisme» de W. et L. en affirmant qu’il avait noué des contacts réguliers avec les cercles nationalistes et un général de brigade de la Reichswehr (von Lettow-Vorbeck), portant le sobriquet de «mollah fou» , qui avait marché sur Hambourg le 1er juillet 1919 pour écraser une émeute de la faim.

En fait, au nom du KPD, L. et W. en avaient appelé depuis longtemps à éviter toute confrontation avec l’armée. La Kommunistische Arbeiterzeitung (KAZ) de Hamburg, avait lancé le 25 juin 1919 un appel devenu classique dans les proclamations «tactiques» des partis communistes : «Le Parti communiste, qui n’a rien à voir avec ces émeutes, vous demande, de ne pas participer à ces attroupements et de ne pas courir au-devant des mitrailleuses». Pour Radek et le Komintern, le «national-bolchevisme» constituait l’essence même du KAPD, d’autant plus qu’un des fondateurs du KAPD, Friedrich Wendel de Berlin, s’en était récemment déclaré partisan. De l’autre côté, les militants des sections locales les plus importantes du KAPD – Berlin, Rhénanie-Westphalie, Allemagne centrale, Saxe, Poméranie occidentale – qui avaient combattu les armes à la main les corps francs, les milices d’extrême droite (Einwohnerwehren), et la Reichswehr voulaient en finir au plus vite avec cette tendance.

En Prusse orientale, la section du KAPD attendait de l’élimination du national-bolchevisme la possibilité de pouvoir mobiliser toute la population laborieuse contre le quadrillage du territoire par la Reichswehr et les corps francs, et de coopérer avec l’Armée rouge dont elle espérait que l’écrasement de l’armée de Pilsudski signifierait une avancée de la «Révolution mondiale» . La proclamation le premier mai 1920 par W. et L. d’une «guerre sainte» révolutionnaire contre l’Entente et la Pologne, en s’alliant à l’Armée rouge, et en suggérant une «levée en masse» d’ouvriers armés sous la conduite des officiers de la Reichswehr, fut un choc pour la majorité du parti, convaincue qu’elle devait écraser le serpent qu’elle avait nourri en son sein.

La direction du KAPD fut contrainte d’agir très vite dès le début mai, lorsque parut dans la Rote Fahne une suite d’articles d’August Thalheimer, présentant l’Appel du premier mai (dit Adresse de Mai) de W. et L. comme un «Appel» lancé «sur ordre du Comité central du KAPD» . C’est du moins ce qu’avaient proclamé les deux «papes» de Hambourg urbi et orbi, sans en aviser ni la base d’Hambourg et d’Altona ni la direction du Parti à Berlin. La direction du KAPD, qui hésite encore à donner la position officielle, louvoie d’abord.

Elle rappelle que le nom de Laufenberg symbolise une lutte antiparlementaire et antisyndicale pour la constitution d’organisations d’entreprise révolutionnaires (Betriebsorganisationen) et ne saurait être suspecté de « national-bolchevisme » : «Les camarades Laufenberg et Wolffheim sont comme nous des adversaires principiels du parlementarisme en Allemagne… Où donc les Levi, Pieck et Thalheimer voient-ils le national-bolchevisme de nos amis de Hambourg?» .

Quelques jours plus tard, le comité central du parti ouvrait publiquement les hostilités contre ces prétendus « amis » : «Le Comité central s’oppose de la façon la plus résolue aux tendances qui se proposent d’amener le prolétariat allemand dans le chenal nationaliste. En particulier, il considère les conceptions exprimées dans la brochure Communisme contre spartakisme comme étant en contradiction avec les principes du socialisme scientifique» .

Il rappelait les principes de ce «socialisme scientifique » : à «l’époque de la destruction des nations », «il n’existe que deux pôles autour desquels se regroupe l’humanité : capital mondial et prolétariat mondial… L’Internationale en devenir n’est pas une addition d’États des conseils… l’Internationale ne connaît qu’un seul but : l’édification d’un monde socialiste» . C’est des Pays-Bas, par une lettre de Pannekoek adressée au KAPD, théoricien de la gauche germano-hollandaise, que vint la critique de gauche la plus acerbe du ‘national-bolchevisme’ .

Pour Pannekoek, cette tendance était une «aberration» monstrueuse dans le parti. Il rejoignait les pires formes de nationalisme par son antisémitisme. Pannekoek dénonçait en particulier les attaques antisémites auxquelles se livrent les Hambourgeois contre Levi : «parce que Levi est un juif, il jouerait la carte du capital financier juif». En tout en concédant que le KAPD faisait une critique juste du national-bolchevisme, pour Pannekoek, elle était «encore beaucoup trop douce». Il s’agissait donc d’éliminer toutes affaires cessantes le national-bolchevisme du parti :

Vous sous-estimez le mal que (le national-bolchevisme) cause en sapant dans son principe l’idée fondamentale du communisme. À mon avis, vous ne pourrez pas cohabiter avec Laufenberg et Wolffheim. Si le KAPD veut devenir une force dirigeante, donnant l’orientation aux masses révolutionnaires d’Allemagne par une ferme clarté, il est nécessaire de présenter un clair point de vue, précisément dans la question nationale; le prochain congrès du Parti doit y veiller

Bien des sections manifestèrent aussi, tout comme Pannekoek, une immédiate volonté commune d’éradiquer sans tarder le « serpent national-bolchevik », en particulier celle de Prusse orientale directement confrontée aux corps francs mis en place par le SPD et à la Reichswehr, campant aux frontières de la Lituanie et de la Pologne.

Comme le souligna le 11 juillet une résolution du KAPD de Königsberg, c’était une question de vie ou de mort pour le parti de balayer toute forme d’«idée nationale», que le prolétariat communiste rejetait violemment. Sinon le KAPD mourrait : Il est absolument évident que le KAPD souffre de la propagande actuelle des camarades L. et W. par le biais de leurs brochures et Adresses.

Nous avions espéré de transformer le groupe local de Königsberg du Spartakusbund en section du KAPD, mais cela échoua lorsque les camarades nous dirent que de toute façon nous nous orientions vers le nationalisme. Les ouvriers sont devenus allergiques à l’idée nationale. Ce n'est que quand nous leur avons démontré que nous n’étions pas sur un terrain nationaliste que des ouvriers révolutionnaires ont pu s’organiser dans le KAPD. Il peut bien y avoir des nationaux-révolutionnaires dans les cercles pangermanistes, mais certainement pas dans les milieux ouvriers. Les ouvriers, sans hésitation, refusent d’appartenir à un parti qui se fait le champion de l’idée nationale. Les militants du district de Prusse orientale émettent le souhait – au cas où W. et L. ne changeraient pas de positions et persévéreraient dans la défense de leurs opinions – que ces camarades soient exclus…

La Centrale du KAPD à Berlin voulait fermement expulser la tendance national-bolchevik, mais sans répéter la «farce» du congrès de Heidelberg, où la direction du KPD – sous la houlette de Paul Levi – avait présenté ses thèses de participation obligatoire aux élections et aux syndicats, en en demandant l’acceptation préalable sous peine d’exclusion immédiate (thèse 8). L’opposition qui était celle de Hambourg (W. et L., mais aussi Jan Appel), Dresde (Otto Rühle), Francfort, et surtout Berlin (Schröder, Schwab, Rasch, Sach, Wendel, etc.) avait été exclue au début ou à la fin du congrès.

Pour la Centrale de Berlin, il fallait distinguer deux formes de soutien à W. et L. : ceux qui le faisaient en vrais partisans de la « guerre national-révolutionnaire » et ceux, beaucoup plus nombreux, de tendance anticentraliste et antiparti, qui voyaient dans la tendance hambourgeoise une expression prolétarienne de l’autonomie des Unions face au diktat des chefs de parti. La tendance de Hambourg, surtout organisée dans les Unions, était très forte dans tous les chantiers navals.

C’est pourquoi tous les textes et thèses de la majorité du parti et de la minorité de Hambourg – elle-même contestée par une forte minorité à Hambourg et une majorité à Altona – furent publiés bien avant le congrès. Deux co-rapporteurs furent désignés : Arthur Goldstein pour la majorité et Heinrich Laufenberg pour Hambourg. L’ordre du jour dut d’abord être modifié. La question principale «Nation et lutte de classe» était placée en troisième position après celles de l’état de l’organisation et du programme. Un bref tour de table permit de traiter prioritairement la question du national-bolchevisme. Dans son rapport, Goldstein rappela que pendant longtemps – face aux calomnies dont usaient et abusaient la direction du KPD et son mentor Radek – l’attitude de Berlin avait été la solidarité . Certes W. et L. avaient mis le doigt sur l’impact du Traité de Versailles en tant que rempart de la « contre-révolution internationale » contre le prolétariat international. Mais ils se plaçaient de l’autre côté de la barricade , en préconisant un « front uni » avec la bourgeoisie allemande contre ce traité.

L’argumentaire des nationaux-bolcheviks était complètement absurde. Il laissait entendre que la bourgeoisie allemande se placerait sous la houlette de son prolétariat, lui donnerait même des armes (délivrées par les commissions d’armement des usines) pour mener la guerre contre l’impérialisme de l’Entente et cela jusqu’au triomphe du communisme; et qu’ainsi la classe dominante allemande, militaires inclus!, livrerait ses armes à son pire ennemi pour mieux se suicider comme classe!

D’autres arguments donnés par Laufenberg pour justifier l’utilisation de la Reichswehr dans la guerre populaire révolutionnaire contre l’Entente étaient proprement sidérants. Laufenberg, notait Goldstein, faisait comme si le prolétariat avait déjà en mains le pouvoir d’État. Selon lui, le fait que le prolétariat allemande dispose d’armes fournies par la Reichswehr, armée devenue «populaire et révolutionnaire» signifiait était en soi une prise de pouvoir. Bref le prolétariat allemand se trouverait alors dans la situation russe, où les bolcheviks utilisaient les compétences des anciens généraux tsaristes (tel Broussilov) afin d’écraser la contre-révolution, l’Entente étant mise sur le même plan que les Blancs.

Ainsi, au prix de sophismes stupéfiants, Laufenberg traçait ses propres équations politiques : l’armée «nationale-révolutionnaire» serait identique à une armée rouge communiste; elle utiliserait les «services» de spécialistes militaires de la Reichswehr qui seraient obligés de se rallier au «communisme». Le plus dur à «avaler» pour Goldstein – et avec lui tous les militants qui avaient lutté contre la guerre – était la thèse du « coup de poignard dans le dos », que W. et L. semblaient avoir directement copié de la presse militariste et antisémite du groupe Hugenberg. Paul Levi était accusé d’avoir déserté le front et contribué à la débâche militaire en novembre 1918. C’était la tombe de Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht, et Leo Jogiches qui était profanée, lorsque leur combat pour « la nécessaire destruction de l’armée impérialiste » était flétri comme une «trahison».

Pour clore son intervention, Goldstein soumit au Congrès un corps de thèses sur la question «Nation et lutte de classe» dont la plus remarquable était la dernière : L’organisation de l’Internationale ne consiste pas en une Fédération de nations, mais en un regroupement des organisations de classe du prolétariat dans le seul but d’édifier un monde communiste. La très longue intervention de Laufenberg (sans doute une heure et demie) pour exposer les thèses contraires n’était qu’une répétition de ses précédents écrits. Elle eut le mérite de révéler – ce qui semblait être une désagréable découverte pour des militants du KAPD, sauf Jan Appel qui en critiqua le contenu dans le débat – que même les textes anciens de W. et L., ceux de 1915, avaient déjà une tonalité «völkisch» : C’est à la politique prolétarienne qu’il incombe de réaliser l’unité de la nation… (Le prolétariat) doit empêcher que le droit à l’indépendance nationale, qu’il reconnaît à tous, soit lésé dans le cas de sa propre nation. D’où résulte, en cas de guerres menaçant les fonctions vitales de l’économie, une subordination militaire du prolétariat à l’état-major du moment . Cette soumission déjà ancienne aux impératifs de l’Union sacrée (Burgfrieden) s’accompagnait maintenant d’un appel à la guerre révolutionnaire du prolétariat contre l’Entente et la Pologne et à un soutien à l’Armée rouge. Il y avait en fait une certaine logique dans l’argumentaire de Laufenberg qui s’appuyait aussi bien sur le Manifeste communiste de Marx que sur les textes les plus patriotiques des bolcheviks russes.

Il s’appuyait par exemple sur Radek – qu’il accusait de lui avoir volé ses idées « originales »! – dont le «lyrisme » patriotique brillait de mille feux au moment de la guerre russo-polonaise : La guerre sociale du prolétariat… est aussi une guerre nationale, tout comme la lutte de la bourgeoisie contre le joug étranger est une guerre nationale… En conséquence, il s’agissait d’être de « vrais patriotes » :

Tous les travailleurs du monde entier doivent être à présent des patriotes russes, car la Russie est le seul pays dans lequel la classe ouvrière détient le pouvoir

Il est remarquable qu’à la veille du congrès, le 31 juillet, Laufenberg avait appelé à bloquer tous les trains de transport vers la Pologne, pour déclencher une «révolution nationale et sociale» contre l’Entente, dont l’Allemagne était la «colonie». Cette posture qui semblait une «répétition historique» de la «patrie en danger» et de la «levée en masses» des Conventionnels français de 1792 avait valu à Laufenberg le sobriquet flatteur de «Danton de la Révolution allemande».

Sans doute par conviction, mais aussi pour s’attirer la bienveillance des éléments les plus syndicalistes et les plus antiparti du congrès, Laufenberg fit un vibrant discours d’enterrement de la forme parti, qui, correspondant à une «époque bourgeoise», cessait d’être «un instrument utile dans la lutte de classe prolétarienne». Dès que la révolution surgit, «le parti disparaît».

Dans le débat la question la plus soulevée fut celle de la «guerre civile» que rejetaient W. et L. au profit de la «paix des chaumières» (Burgfriede), autrement dit l’Union sacrée. Les intervenants de Rhénanie, Allemagne centrale, Zone occupée (Graudenz, dit Thiessen ou Thyssen), et même de Hambourg (Jahnke), dénoncèrent unanimement l’inactivité de la tendance de Hambourg pendant le putsch de Kapp et lors de l’insurrection dans la Ruhr, en Allemagne centrale et dans le Mecklenburg (Schwerin), qui est restée « l’arme au pied » en simple spectatrice.

Les interventions les plus impitoyables vinrent de Franz Pfemfert (section de Gotha), fondateur de la revue berlinoise Die Aktion et du Parti socialiste antinational en 1915 – tout un programme… – et d’Adolf Dethmann (Kiel) qui soulignèrent que « la lutte du prolétariat n’était pas seulement internationale mais antinationale ». Tous deux manifestèrent leur mépris et leur écœurement vis-à-vis de Laufenberg et Wolffheim pour leur dangereuse «propagande communiste» alliée à une propagande impérialiste «grande-allemande» et antisémite.

Pour Dethmann, la tendance national-bolchevik était bien «völkisch» mais certainement pas communiste : «Laufenberg a prétendu que l’intérêt du prolétariat allemand même dans une société sans classe est de maintenir le rang de l’Allemagne comme cœur industriel de l’Europe. Il affirme plus loin que nous représentons les intérêts du prolétariat allemand face aux représentants du prolétariat juif».

Le débat fut donc très houleux, et la tension n’avait fait que croître lors de la présentation du rapport fleuve de Laufenberg. Une résolution d’exclusion venant du district d’Allemagne centrale avait été explicitement rédigée par le métallurgiste Ludwig Meyer de Leipzig (il sera délégué au 3e congrès du Komintern, sous le pseudonyme de Bergmann). Celle de Berlin, plus « diplomatique », mais très claire affirmait que :

Les prolétaires organisés dans le KAPD se déclarent catégoriquement socialistes internationalistes et rejettent toute propagande visant à faire renaître l’idée nationale dans les rangs de la classe ouvrière. Si les camarades W. et L. continuent à propager leur tendance nationaliste, ils se placeront hors des rangs des socialistes internationalistes.

Pour des raisons statutaires, cette exclusion n’était pas immédiate ; elle devait être validée par les sections après le congrès. Validée par une majorité de membres du parti le 14 août, la presse quotidienne en donna l’information le 17 août.

II. Les questions en suspens

1. Le programme communiste : parti, conseils et «Commune mondiale» Si le programme du KAPD affirmait que les partis, surgis avec le «triomphe de l’ère bourgeoise», devaient « disparaître avec le capitalisme lui-même», la question du rôle du parti prolétarien restait la question la plus épineuse au sein du KAPD. Aussi l’organisation de Berlin, la plus décisive dans le Parti par son nombre et ses dirigeants, proposa pour la discussion une résolution soulignant que le parti n’était pas un rassemblement pacifiste de propagande, ouvert à tout un chacun : «Le Parti se situe sur le terrain de la conquête du pouvoir politique et rassemble les meilleures forces».

Sans surprise, les districts prolétariens de Rhénanie, d’Allemagne centrale – en état d’insurrection contre l’État – manifestèrent un total accord. Schröder souligna dans son discours que les représentants de la Rhénanie et de la Ruhr manifestaient de façon vivante ce «sûr instinct de classe» qui les portait vers le Parti. Et lorsque la Centrale fut nommée par le Congrès, c’est un ouvrier juif d’Elberfeld (Fritz Weyl ?), ville marquée par sa vieille industrie textile et l’ombre de Friedrich Engels , un prolétaire d’une foi biblique dans la Révolution et le Parti, qui fut choisi, au côté de Rühle, Dresde, Merges, Braunschweig, et Hellwig, Leipzig.

Les ‘nationaux-bolcheviks’ de Hambourg et les districts les plus syndicalistes – comme ceux de Thuringe et Saxe – marquèrent leur désaccord : «La révolution n’est pas une question de parti» répétèrent constamment les partisans de W. et L., reprenant le titre d’une brochure de Rühle. Karl Schröder, le principal dirigeant et théoricien du KAPD, fut donc obligé de faire un très long rapport pour recadrer la question. Il souligna que le parti était bien « une avant-garde compacte du prolétariat » dont la nécessité s’imposait pendant et même après la révolution, dans le respect du principe des conseils (Rätegedanke), moteur de la Révolution. Schröder insistait dans son rapport sur les buts immédiats du parti : non «la lutte contre l’Entente» – thèse favorite des nationaux-bolcheviks – mais «la lutte pour la dictature du prolétariat».

Les principaux obstacles dans cette lutte étaient le KPD – « qui ne croit plus en la Révolution » – et surtout l’USPD, tenu comme principal responsable du désarmement du prolétariat. Affirmant que le «prolétariat n’est pas pacifiste», le point du programme touchant à l’armement du prolétariat devait être précisé ainsi : L’armement par entreprise doit se poursuivre de lui-même, mais des garanties devront être prises contre des éléments qui constitueraient un danger pour la révolution.

Cette affirmation sibylline pouvait aussi bien viser les nationaux-bolcheviks qui préconisaient l’armement par entreprise, mais dans le but de mener la « guerre national-révolutionnaire » contre l’Entente que des éléments incontrôlables, tels Hölz et Plättner qui agissaient en ‘électrons libres’, sans aucun contrôle du parti. Le point le plus important traité par Karl Schröder était finalement celui du rôle des chefs, et la structure du parti. En premier lieu il s’en prenait à ceux qui «croyaient que le rejet absolu des chefs serait prolétarien». «C’est profondément faux», ajoutait-il, car il y a un rapport dialectique entre masse et chefs, ceux-ci étant « les plus doués en capacité d’exprimer la pensée et la vie » du prolétariat.

Pour Schröder, la question majeure était celle de la structure de l’organisation, et en particulier celle de la centralisation. Condamnant l’idée anarchiste d’autonomie ou de fédéralisme comme un «non-sens» – où chaque district se proclame « indépendant », promulguant «ses propres lois», comme un capricieux roitelet de province –, il ne condamnait point le « centralisme » dont seul le vieux contenu, despotique, devait être rejeté. Sous peine de « faire voler en éclats » l’organisation des conseils et donc mettre en péril le « processus révolutionnaire en Allemagne ainsi que celui de la « Révolution mondiale », l’action du prolétariat devait être centralisée.

Reprenant le contenu de sa brochure sur Le devenir de la nouvelle société, Schröder affirmait enfin que celle-ci ne serait pas une « fédération de républiques nationales des soviets » – telle que proclamée par Lénine en janvier 1918 puis dans la Constitution de la République socialiste fédérative soviétique de Russie du 10 juillet 1918. Elle serait une Commune mondiale, associant tous les conseils ouvriers du monde créés sur une base territoriale d’entreprises et jamais fédérative nationale.

Certains points «délicats» ne pouvaient être traités dans le cadre du congrès : lutte armée, formation et rôle d’une armée rouge, mesures de défense face à la contre-révolution (résolution de Bremerhaven); mesures économiques immédiates de la révolution (résolutions de Berlin et Wilhelmshaven).

La centrale de Berlin réussit, malgré l’opposition de Hambourg, à renvoyer en commission la rédaction de résolutions ad hoc.

2. L’adhésion à la IIIe Internationale

Peu avant le congrès avaient été publiés le rapport de la délégation à Moscou, et sous forme de brochure Le Voyage en Russie de Franz Jung, qui était tout personnel . Celui de Rühle et Merges, déjà diffusé sous le manteau, ne fut pas publié par le parti .

C’est à Jung donc qu’avait été confié un rapport oral qui fut fortement critiqué aussi bien par Jan Appel, qui exigea vivement de faire un rectificatif, que par Schröder et Pfemfert – éditeur de l’écrivain Jung! – qui ironisèrent l’un sur sa palette expressionniste l’autre sur son hermétisme poétique, fortement imbibé d’alcool! Le rapport de Jung – confus dans la forme et le contenu – présentait pourtant un certain intérêt. Il soulignait que le Komintern était surtout né de la décomposition de la IIe Internationale et du désir désespéré des Russes de sortir à tout prix de leur isolement. Rappelant que le KPD (S) s’était opposé en 1919 à la fondation prématurée du Komintern, il constatait qu’à Moscou étaient représentés des partis «à peine plus nombreux que notre réunion d’aujourd’hui»; que deux courants émergeaient : l’un, peu soucieux de questions de statut d’organisation, voit dans le Komintern l’«état-major du prolétariat» en vue de la prise de pouvoir; l’autre, pour autant que la Russie demeure un «facteur de puissance», veut cantonner l’Internationale dans des «tâches diplomatiques».

Ce second courant est celui de Radek au sein de l’Exécutif, qui fait du Komintern une «remorque de la République des Soviets» et métamorphose les «partis frères» en des bureaux d’information et de correspondance sur la Russie nouvelle. Jung affirmait que la délégation était venue à Moscou avec l’idée de créer une «ligue compacte des organisations situées en dehors de l’Internationale». Le contact avec les syndicalistes et les Wobblies de l’IWW les en avait dissuadés. De son point de vue – et là Jung fut fortement approuvé par de nombreux délégués au cri de «très juste» – il était faux de demander une adhésion au Komintern, alors que le KAPD «se situait sur le terrain de la IIIe Internationale». À cette incohérence dans le discours s’en ajoutait une autre : affirmant que le prolétariat n’était pas vraiment « présent » dans la révolution russe, et que celle-ci avait revêtu la forme d’un «putsch», Jung demandait in fine à l’Union soviétique son plein soutien à la Révolution allemande.

Cette interprétation de Jung fut aigrement combattue par Jan Appel qui rappela qu’Octobre 17 avait été préparé par 1905, que les bolcheviks ne faisaient que suivre la volonté du prolétariat russe de s’emparer du pouvoir, et qu’en définitive la véritable question était celle du développement de l’«auto-conscience du prolétariat» dans une Internationale de combat construite non par en haut (von oben) par des chefs (du type Wolffheim et Laufenberg) mais par en bas (von unten), par la base ouvrière elle-même. Mais derrière cette idée de «putsch» se cachaient toutes sortes de non-dits, voire de tractations secrètes avec l’Exécutif. Jung fut le seul (voir infra) à présenter une résolution sur l’adhésion au Komintern qui affirmait que celui-ci était bel et bien « l’état-major du prolétariat international ».

Ce que Jung ne pouvait proclamer ex abrupto c’est qu’il était l’un des responsables de l’organisation de combat du KAPD, qui en symbiose avec celle du KPD, devait préparer la prise du pouvoir par les armes, et qu’il avait pris contact dans ce sens avec le Bureau ouest-européen. En fait pour Jung, le Komintern, en réduisant son rôle à des tâches militaires, était bien dans une perspective blanquiste, certes dénoncée par Pannekoek, mais ô combien fascinante pour le poète Jung. Deux interventions vinrent préciser les rapports envisageables entre États des conseils et IIIe Internationale.

Le jeune Dethmann (alors âgé de 23 ans), regrettait que la délégation se soit rendue «en pèlerinage» à Moscou, en restant «sur la défensive», et n’ait même pas porté une résolution visant à exclure le Spartakusbund du Komintern pour son attitude d’«opposition loyale» à l’État républicain allemand. Pour Dethmann, l’Internationale était une anti-Société des nations. Elle devait se concevoir comme une « Confédération d’États prolétariens », non comme une juxtaposition fédérative de «républiques des soviets». Sa croissance serait organique de par la volonté des ouvriers révolutionnaires, «bataillons de la IIIe Internationale». S’il devait y avoir «un état-major» de la révolution, il devrait surgir «par en bas», son sommet – limité localement à la Russie – souffrant de ne pas être international.

Schröder, au cours de la discussion, confirma que la centrale du KAPD avait bien donné des instructions à la délégation de demander l’expulsion du KPD du Komintern pour trahison. S’appuyant sur la brochure qu’il avait rédigée peu avant le Congrès (Le devenir de la nouvelle société), Schröder souligna que le but ultime de l’Internationale n’était pas de « fédérer » des nations prolétariennes mais de donner naissance à une humanité nouvelle unifiée dans une société « sans nations et sans classes ». Pour parvenir à ce but, il devait être clair que l’Internationale du futur serait celle des conseils ouvriers et non des partis.

Le débat se conclut par une véritable bataille de résolutions. Celle de Berlin soulignant la nécessité d’adhérer au Komintern pour accomplir hic et nunc les tâches du parti passa aux oubliettes. Celle de Francfort en substance exigeait que l’Exécutif juge le KAPD sur ses actes, tout comme le KAPD le jugerait non sur des thèses et résolutions de congrès internationaux mais sur son action. Celle de Hambourg n’était qu’une répétition de ses thèses « national-révolutionnaires » et prenait même une tonalité «völkisch». La mise en place d’un centre international d’information et de gestion des tâches devrait être la seule finalité d’une « Internationale » : une « fédération de libres nations » et de « peuples sans classes ». Il s’agissait d’éviter « la soumission de la nation allemande » au « diktat de Moscou ».

Quant à la résolution de Jung sur l’Internationale comme « état-major du prolétariat international » elle apparut hors de propos et ne fut même pas mise au vote. Une résolution rédigée au cours des débats par Meyer, Thiessen (John Graudenz) et Schröder fut nécessaire pour au moins recadrer la question de l’Internationale.

Cette résolution – adoptée par 37 voix contre 4 (et une abstention de Francfort) – tout en réaffirmant que le Comité exécutif ne saurait s’immiscer « dans les affaires intérieures du parti », reconnaissait surtout l’absolue nécessité d’un cadre communiste international :

L’Internationale communiste est l’union des ouvriers révolutionnaires de tous les pays, qui luttent pour la dictature du prolétariat… [En conséquence le KAPD devra agir] d’après les principes du Komintern, pour autant qu’ils se basent sur la reconnaissance de la lutte de classe, de la dictature du prolétariat et de la pensée des conseils.

Le congrès s’accorda sur le fait que les exigences du Comité exécutif d’exclure le national-bolchevisme ne concernaient pas Rühle, adversaire irréductible de tout nationalisme. La résolution de Pfemfert rédigée dans ce sens fut donc adoptée, sauf par Laufenberg, Wolffheim et leurs partisans. Bien plus, Rühle et Merges, furent nommés in abstentia membres de l’Exécutif du KAPD ! L’adoption de cette résolution était non seulement un gant de défi lancé contre l’Exécutif du Komintern, mais un clair désaveu de Jung et Appel qui avaient d’avance accepté in abstentia, et de Moscou, l’exclusion de Rühle .

3. Les rapports entre KAPD, AAUD et FAUD

Le mouvement des Unions, c’est-à-dire des organisations révolutionnaires d’entreprise, rattachées aux anciens conseils ouvriers, était particulièrement puissant. L’AAU comptait en 1920 plus de 200.000 adhérents. Mais à côté d’elle, depuis décembre 1919, s’était constituée la FAUD qui comptait 150.000 militants répartis dans 450 groupes à travers toute l’Allemagne. Officiellement, la FAUD se définissait comme «anarcho-syndicaliste», mais dans la réalité une grande partie des militants était loin de l’être. C’est ainsi qu'il y avait souvent des doubles appartenances, en particulier dans la Ruhr, en Silésie et à Braunschweig. Certaines sections de la FAUD étaient proches du KPD ou de l’USPD. Une tendance comme celle des mineurs de Gelsenkirchen coopérait avec l’AAU et le KAPD, avant d’opter finalement pour le KPD. Il en résultait que les frontières entre l’AAUD et la FAUD étaient peu claires, et que même dans certaines sections de la FAUD, censée être purement «syndicaliste», l’arc-en-ciel des opinions politiques s’étirait de l’USPD au KAPD, via le KPD.

Meyer (Leipzig), le spécialiste de la question, avait proposé qu’il y eut deux co-rapporteurs AAU et FAU, ce qui fut rejeté. L’un des frères Lewinsohn de Dresde allait même plus loin : des «non-communistes» ne sauraient être rapporteurs dans un congrès de communistes. Le rapporteur sur les Unions fut donc le seul Kurt Kuschewski, qui était d’ailleurs le trésorier de l’AAU. Il défendit la vision d’une centralisation de leur action par le parti, et incitait tous les membres de la FAUD à rejoindre l’AAU.

Dans la discussion, le délégué de la Rhénanie, Peter Spinnraths , souligna la nécessité d’établir une claire délimitation entre organisation politique et syndicalisme; pour Thiessen (John Graudenz) , il s’agissait d’opérer une claire ligne de démarcation entre pacifisme anarcho-syndicaliste et action révolutionnaire. Mais pour une forte minorité de délégués (en particulier Hambourg, la Saxe-Thuringe et Pfemfert), l’idée des conseils n’était pas une « affaire de parti », et les Unions devaient suivre leur propre chemin. La décision la plus importante prise par le Congrès fut de valider la résolution proposée par Alfred Ihlau , l’un des dirigeants de l’AAU de Berlin :

Le congrès attend des membres du Parti qu’ils quittent les syndicats. Le congrès se place lui-même sans réserve sur le terrain de l’organisation d’usine, rassemblée unitairement dans l’Union générale des travailleurs.

Mais cette résolution fut rejetée par certains districts (Spandau-Havelland et Poméranie), où la présence de la FAUD, syndicaliste, était réelle. La question restait délicate : devait-on considérer la FAUD comme un petit syndicat de tendance anarchiste ou une organisation semi-politique, en constante évolution, amenée à poser la question de la prise du pouvoir? Certains des membres du KAPD, comme à Braunschweig, travaillaient étroitement avec la FAUD ou les IWW allemands. Une autre proposition faite par Pfemfert, dans l’une de ses interventions, n’eut pas de suite immédiate : considérant que les membres des unions n’étaient pas obligatoirement membres du KAPD, il suggérait que tous les militants du KAPD adhèrent en priorité à l’AAU. Le point non résolu restait la fonction de l’Union : était-t-elle une simple «courroie» du parti (position du rapporteur Kurt Kuschewski), dont elle reprenait le programme, toute son action étant centralisée par le parti; ou au contraire le parti devait-il se dissoudre dans l’Union ? C’était la position d’Otto Rühle et de ses partisans en Saxe et Thuringe, mais aussi des unionistes de Hamburg, Bremerhaven et Wilhelmshaven, et dans une moindre mesure celle de Franz Pfemfert et Alfred Ihlau.

Ce problème fut « résolu » par le départ des éléments les plus anticentralistes aussi bien dans le KAPD que dans l’AAU, pour former en octobre 1921 l’AAUE.

4. L’organisation du Parti dans un cours nouveau

Les rapports présentés par Fritz Rasch et Emil Sach (Erdmann) donnent une idée assez exacte de l’état matériel du parti en août 1920. La situation restait pleine d’espoir : dans certains endroits (Berlin, Dresden, Frankfurt, Magdeburg, Hamburg, Eisenach, Zwickau) le KAPD a attiré quasiment la totalité des militants du KPD (S), sauf à Stuttgart (fief de Thalheimer) et Chemnitz (fief de Brandler et Fritz Heckert). Il est intéressant de noter que la politique d’opposition loyale du KPD et sa signature des accords de Bielefeld (23 mars) avait amené une masse de militants nouveaux, directement trempés par l’insurrection, en Rhénanie Westphalie (5.500 militants). Dans le district du Nord-Est, Brême était aux mains du KPD, seuls les ports de Wilhelmshaven, Cuxhaven constituant des points d’attache, sans doute grâce à l’Union des marins très radicale.

En Prusse orientale, le KAPD disposait de militants prêts à l’action mais menacés physiquement par l’Orgesch et les corps francs mis en place par August Winnig, gouverneur social-démocrate de Prusse-Orientale . Le point noir était évidemment Hambourg, forteresse de papier du KAPD, que la politique de L. et W. plaçait au bord du gouffre. Sur environ 4.000 militants (dont 953 à Altona, aux mains de l’opposition à W. et L.), on comptait sur le papier 2.000 militants, dont 500 actifs. Le national-bolchevisme était devenu un repoussoir pour les éléments jeunes du parti attirés par l’action révolutionnaire, comme Jahnke de Hambourg, et bien d’autres avant lui, qui – comme Paul Mattick, âgé à peine de 15 ans – s’étaient aguerris en participant à plusieurs insurrections (janvier-mars 1919). Sur le plan financier, le «grand argentier» du Parti Emil Sach (Erdmann) soulignait l’état désastreux de la trésorerie qui nécessitait une prompte augmentation des réserves. Une décision s’imposa : tous ceux qui ne paieraient pas leur timbre de cotisation seront exclus. Cette menace semble avoir eu de l’effet : Franz Jung note dans ses Mémoires (Le chemin vers le bas) que l’argent rentra de nouveau à flot dans les caisses. Mais il ne précise pas si l’action de «récupération» opérée par des éléments isolés comme Max Hölz et Karl Plättner n’y a pas quelque peu contribué !

Un autre point qui n’apparaissait pas dans le bilan financier était bien sûr l’aide du Komintern, qui par le truchement de Franz Jung, semble avoir été réelle, au moins pour l’achat d’armes, dissimulées dans des caches en Silésie, pour aider l’Armée rouge lorsqu’elle aurait traversé de part en part la Pologne, et décupler son action de «boute-feu» révolutionnaire en Allemagne…

Concluant son rapport politique, à la fin du congrès d’août 1920, Alexander Schwab était beaucoup plus prudent. Il soulignait non seulement l’importance de la loi sur le «désarmement» de la Reichswehr – après le désarmement de force du prolétariat dans la Ruhr en avril 1920 – qui s’accompagnait d’un renforcement des organisations paramilitaires d’extrême droite, et renforçait le danger de l’intoxication nationaliste, renforcée par le Traité de Versailles. L’idée ‘national-bolchevik’ d’une alliance nationaliste entre l’Allemagne et la Russie contre l’Entente était un piège mortel. L’autre danger était la stratégie de l’État républicain de défaire paquets par paquets les unités d’avant-garde du prolétariat :

Les actions isolées constituent l’un des plus grands dangers pour le prolétariat. C’est un principe de base des militaires d’écraser toute unité adverse qui marche isolément, avant que ne se forme une armée. Les mots d’ordre actuels doivent être imprégnés d’une totale clarté de manière à ce que l’ennemi se heurte à un front compact et unifié et ne puisse jamais trouver une quelconque occasion de détruire les unités [prolétariennes] l’une après l’autre...

D’où la nécessité d’une stricte centralisation du Parti découlant «d’un point de vue purement pratique». Autant dire que la rhétorique développée par Rühle et la majorité des Hambourgeois unionistes, comme Carl Happ, que «la révolution n’est pas une question de parti» n’était plus de mise. Pfemfert, pourtant fidèle lieutenant de Rühle, dut répondre vertement à Happ, que cette antienne antiparti relevait du psittachisme, et que Rühle lui-même, élu à la direction du Parti par le congrès, ne partageait pas cette position…

Ainsi le KAPD travaillerait de plus en plus de façon centralisée tant dans son activité en Allemagne que dans le Komintern, où il annonçait qu’il agirait comme une fraction, s’il était admis.

III. Les lendemains du Congrès pour la majorité antinationale et la minorité national-bolchevique

1. Les nouvelles échéances : soumission au Komintern ?

La décision prise majoritairement par le congrès d’exclure le national-bolchevisme eut des effets positifs quasi immédiats. Il y eut bien scission à Hambourg, mais la plupart des exclus revinrent très vite, en catimini, au KAPD , et pour les plus «syndicalistes» d’entre eux s’investirent dans la seule AAUD, qui avait une très forte influence dans les chantiers navals de la région du Wasserkante (Hambourg, Brême, Bremerhaven, Kiel et Lübeck). Leur retour au parti s’était accompli sans état d’âme particulier, dès qu’il devint clair que Laufenberg et Wolffheim frayaient avec des cercles nationalistes, se considérant désormais comme des «nationaux-révolutionnaires».

L’étiquette qui restait encore collée au KAPD était celle de l’anticentralisme et de l’antibolchevisme de Rühle, une étiquette qui disparut dès l’automne de 1920. Le 30 octobre, Rühle était exclu du parti, mais pas Merges, aussi antibolchevik que ce dernier, mais qui restait un pilier inébranlable de l’organisation. Il est vrai que Rühle ne conservait plus que l’appui de Franz Pfemfert et des sections saxonnes, qui s’étaient d’ailleurs dissoutes pour se fondre dans les Unions.

Attaqué déjà par Brandler en mars 1920 pour son inactivisme pendant le putsch de Kapp , Rühle est condamné par l’activiste de la lutte armée Karl Plättner comme étant «au service de la contre-révolution» pour ses positions fédéralistes, antiparti, et antibolcheviks. Plättner défend en fait une position typiquement blanquiste que condamne Rühle, partisan du vaste regroupement du prolétariat dans les Unions : Il s’agit aujourd’hui que le prolétariat révolutionnaire organisé dans le parti révolutionnaire s’empare du pouvoir politique et de son appareil. Il ne s’agit pas d’une prise de pouvoir par l’ensemble de la classe, qui dans sa totalité n’est pas vraiment révolutionnaire . Le 28 novembre 1920, malgré des discussions peu fructueuses de sa délégation (Fritz Rasch, Karl Schröder et Herman Gorter) , avec l’Exécutif du Komintern (Boukharine, Zinoviev, Trotsky, Marchlevsky et Lozovsky ), le KAPD était admis comme « parti sympathisant ». Il devait accepter les conditions d’adhésion, donc reconnaître la justesse des «tactiques parlementaire et syndicale». Il était mis en demeure d’adhérer au VKPD, qui venait de fusionner avec l’aile gauche de l’USPD.

Autant dire qu’il était demandé au KAPD de se saborder, d’abandonner l’organisation des Unions et son programme, et finalement de rentrer dans les syndicats. Il lui était promis dans l’immédiat de faire partie sur un plan strictement militaire de l’«état-major du prolétariat mondial». La marge de manœuvre du KAPD était très limitée.

La Révolution prolétarienne en Allemagne semblait déjà à bout de souffle. Les militants du parti se décourageaient, partaient de plus en plus , ou se repliaient sur le travail d’usine dans le cadre des Unions ouvrières. Certains de grande valeur, comme les frères Dyck qui dirigeaient la section de Prusse orientale, avaient disparu tragiquement un mois après le congrès.

À l’orée de l’année 1921, l’adhésion à l’Internationale s’imposait comme une nécessité, mais sans enthousiasme, vu le prix qu’il faudrait certainement payer pour l’obtenir. Il était inévitable, surtout après la tragédie de Kronstadt et les mesures prises en Russie contre les oppositions révolutionnaires, que la rupture soit consommée.

C’est ce qui arriva en septembre 1921, après que les délégués du KAPD présents au IIIe congrès (Jan Appel, Alexander Schwab, Bernhard Reichenbach et Ludwig Meyer) du Komintern aient refusé de capituler .

2. La décomposition du courant national-bolchevique.

L’évolution différenciée de Laufenberg et Wolffheim Quelle fut la trajectoire de Laufenberg et Wolffheim eux-mêmes dans le prétendu milieu «national-révolutionnaire», peu après leur exclusion du KAPD ? Quelques semaines après leur exclusion définitive (14 août) du KAPD, W. et L., secondés par l’ouvrier des chantiers navals Emil Geiger, fondèrent dans le Wasserkante une Ligue des communistes (Bund der Kommunisten), reprenant ainsi la dénomination de l’organisation fondée en 1847 par Marx et Engels à Londres.

À Hambourg même, ils avaient dès février 1920 créé une société d’étude «large» : la Freie Vereinigung zum Studium des deutschen Kommunismus (Association libre pour l’étude du communisme allemand). Celle-ci rencontra soudainement un vif intérêt en septembre 1920 au sein même de l’Association des capitaines et officiers de la marine marchande. Dans leur brochure Moscou et la Révolution allemande , publiée au même moment, ils utilisaient pour la première fois le terme de «national-révolutionnaire» et proclamaient la nécessité d’une union avec les «nationalistes de droite honnêtes [sic], pour autant qu’ils soient d’orientation anticapitaliste et se rallient aux positions du communisme [sic]».

Après avoir rencontré un succès limité à Hambourg et dans le Wasserkante, le «Bund der Kommunisten», dont le nombre d’adhérents oscillait entre 150 et 200 adhérents, avait quasiment disparu fin 1922. Il était l’initiateur d’une politique «anti-impérialiste» pro-russe, qui n’était plus à l’ordre du jour. Il se proposait dans ses statuts de former «organisation de défense révolutionnaire contre les puissances impérialistes de la Société des Nations» et pour cela «d’édifier une Armée rouge». Laufenberg, déjà malade, s’éloigna de ces positions «national-révolutionnaires» et rompit en 1922 avec Wolffheim qui – malgré ses origines juives – évoluait toujours plus vers l’extrême droite, par ses contacts avec des cercles droitistes qui voyaient dans la franc-maçonnerie et le judaïsme les preuves manifestes d’un «complot mondial» contre la «nation allemande». Laufenberg se consacra alors à la mise en place d’une petite imprimerie à Hambourg, qui en 1923 publia la revue Weg und Ziel – Organ für deutschen Aufbau (Le chemin et le but, organe de construction allemande).

En 1927, Heinrich Laufenberg, conjointement avec l’anarchiste franc-maçon Walther Funder, édita la revue mensuelle Die Harpune (Le Harpon), dont le programme était de propulser un « radicalisme culturel ». Eclectique dans son orientation, la revue était anarchiste, pacifiste, franc-maçonne et syndicaliste-révolutionnaire. Laufenberg se montra très favorable au sionisme de gauche et très hostile à l’Église catholique. Il s’efforça aussi d’ouvrir sa revue aux dissidents du KPD : tout d’abord Ketty Guttmann, ancienne militante du KPD exclue en 1924 , devenue membre de l’AAU-E, très engagée dans la défense des droits des prostituées de Hambourg, ensuite Hugo Urbahns (1890-1946), qui venait d’être exclu du KPD en novembre 1926, avant qu’il ne fonde en 1928 le Leninbund. Reniant sans retour et sans nostalgie sa phase de «national-bolchevisme» où il ne voyait plus qu’un «simple épisode diplomatique», porté par la guerre russo-polonaise, Laufenberg retourna au syndicalisme-révolutionnaire. La même année 1927, il tint des conférences pour le compte du Bloc des révolutionnaires anti-autoritaires (Block antiautoritärer Revolutionäre), qui avait surgi en 1924-25 à l’initiative de l’AAU-E hambourgeoise, ainsi que du groupe unioniste saxon Proletarischer Zeitgeist (PZ) de Zwickau.

Appauvri, malade et isolé, Laufenberg mourut le 3 février 1932 à Hambourg, sa patrie d’adoption. De 1927 à sa mort, il ne manqua pas de dénoncer la montée du nazisme . Le numéro 1 du Kampfruf, organe de la KAU (Kommunistische Arbeiter-Union) , salua en lui une opposition totale au national-socialisme ainsi qu’à toute forme de «national-bolchevisme». Par contre, Wolffheim, flanqué de son fidèle compagnon d’armes Emil Geiger, s’était rallié, au début des années 30, au cercle «nationaliste social-révolutionnaire» [Gruppe Sozialrevolutionärer Nationalisten] de Karl-Otto Paetel (1906-1975) qui propageait l’idée d’un «État populaire des conseils». Comme Wolffheim était Juif, il fut arrêté en 1939, interné à Sachsenhausen et finalement exécuté le 17 mars 1942 dans le camp de Ravensbrück.

Il est à noter – pour la gouverne des négationnistes du génocide juif (souvent les mêmes que ceux qui nient le génocide arménien) – que tous les dirigeants du KAPD, qui étaient considérés comme «juifs» par le nazisme, malgré leur athéisme, furent exterminés. Il suffira de rappeler les noms d’Arthur Goldstein, Karl Happ, Ludwig Meyer et Arthur Michaelis. Les «non-juifs», comme Alexander Schwab et d’autres, inconnus, subirent le même sort.

Si Heinrich Laufenberg avait fini par renier ses anciennes positions national-bocheviques, le KPD – dès 1920 – commença à emprunter une voie nationale-populiste, sur fond de fidélité inconditionnelle aux maîtres du Komintern et du Kremlin. Après l’échec putschiste de l’Action de mars 1921, téléguidée par une frange « gauchiste » du Komintern, le KPD renoua vite avec une idéologie qui était celle de la social-démocratie «classique» : défense de la Nation à l’heure du danger, défense de la République, gouvernement de coalition nationale comportant des «partis ouvriers», soutien aux classes moyennes, celle des «petits» contre les «gros».

L’occupation de la Ruhr par l’armée française en janvier 1923 ne fit que précipiter le KPD dans une idéologie typiquement nationale-populiste. Après l’échec de la mise en scène d’un « Octobre allemand » à la fin de l’année 1923, le KPD entra dans une crise permanente qui culmina en 1925-1927, au même moment où le stalinisme en URSS commençait à triompher. C’est précisément en 1926, au moment où se constituaient des fractions plus au moins de gauche à l’intérieur du KPD que le KAPD décida de mémoriser tout ce passé national-populiste que des tournants « gauchistes» successifs ne suffisaient pas à faire oublier.

Dans un ouvrage, portant le titre suggestif de : Die K.P.D. im eigenen Spiegel (Le KPD à travers son propre miroir) , le KAPD rappelait que la crise du KPD remontait à loin, même à 1920. De proche en proche, de l’Opposition loyale proclamée en mars 1920 jusqu’à l’occupation de la Ruhr où le KPD tombait dans le pire nationalisme völkisch, jusqu’à emboucher les trompettes de l’antisémitisme, il y avait une adoption progressive de tous les poncifs du «national-bolchevisme», y inclus la défense de «la patrie à l’heure du danger» et la « guerre révolutionnaire contre l’Entente», au lieu et place du « défaitisme révolutionnaire » proclamés par les fondateurs du parti : Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg.

Laissant le lecteur apprécier à sa «juste valeur » cette évolution d’un parti qui s’était donné comme fondement le marxisme internationaliste et comme but la formation d’une Commune mondiale, nous donnons en annexe des extraits de la presse du KPD, du Komintern. Nous donnons aussi en annexe deux textes fondamentaux, jamais traduits en français : le discours en mémoire de Leo Schlageter tenu en juin 1923 par Karl Radek devant l’Exécutif du Komintern, qui ouvre la voie à une recherche d’alliance avec le nationalisme völkisch; le second, sur le «tournant antisémite» du KPD de 1923, dénoncé par Franz Pfemfert, directeur de Die Aktion, ancien fondateur du Parti socialiste antinational qui adhéra au Spartakusbund en 1918, puis membre du KAPD.

Un extrait, tiré du roman Sans-Patrie (Vaterlandslose Gesellen) d’Adam Scharrer, 1930, est un témoignage passionné sur l’engagement contre la guerre et pour la révolution d’une génération de jeunes ouvriers spartakistes, qui allaient former l’ossature du KAPD en 1920.

Septembre 2014, Ph. B.

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