Quelques critiques nécessaires au texte de Chuang.
Nos critiques prolongent celles émises déjà par Fredo Corvo en 2016 et publiées dans une brochure en nérlandais "Quand en Chine un paillon bat des ailes" :
http://www.leftcommunism.org/IMG/pdf/fc_-_quand_en_chine_un_papillon_bat_des_ailes_-_postface.pdf
Le texte de Chuang, en dépit de ses positions remarquables qui appliquent la méthode marxiste de Robert Wallace pour analyser les pandémies sous le capitalisme mondialisé, présente des défauts politiques que l'on doit souligner, si l'on ne veut pas tomber dans la complaisance.
En premier lieu, Chuang dont nous ignorons tout de la trajectoire politique, semble nourrir une certaine nostalgie de la Chine maoïste. On peut lire ainsi
: "... le système de santé socialiste a commencé à être démantelé. La mortalité infantile a chuté et, malgré la famine qui a accompagné le Grand Bond en avant, l’espérance de vie est passée de 45 à 68 ans entre 1950 et le début des années 1980. Les vaccinations et les pratiques sanitaires générales se sont généralisées, et les informations de base sur la nutrition et la santé publique, ainsi que l’accès aux médicaments rudimentaires, étaient gratuits et accessibles à tous. Pendant ce temps, le système des médecins aux pieds nus a permis de diffuser des connaissances médicales fondamentales, bien que limitées, à une grande partie de la population, contribuant ainsi à la mise en place d’un système de santé solide, partant de la base, dans des conditions de grande pauvreté matérielle. Il convient de rappeler que tout cela s’est produit à une époque où la Chine était plus pauvre, par habitant, que la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne d’aujourd’hui".
Qu'il y ait eu éradication de certaines épidémies, comme dans d'autres pays, avec les progrès de l'épidémiologie, cela est certain. Néanmoins on doit fortement souligner les effets néfastes du maoïsme, prétendument "communiste" de 1957 à 1979. La faillite du Grand Bond en avant entraina une grande famine qui tua 20 millions de personnes. La politique de Liu Shaoqi, qui annonce celle de Deng Xiaoping en 1979, 1961 semble avoir mis fin aux famines. Par contre la Révolution culturelle, lancée par Mao et sa clique en 1965, mit fin aux contrôle des épidémies, ce qui entraina la résurgence des épidémies et même la famine dans plusieurs régions.
On remarquera, que dans ce texte, comme dans les précédents, Chuang n'appelle jamais un chat un chat : le terme de capitalisme d’État, appliqué à la Chine de Mao, lui semble un blasphème. Chuang persiste et signe : le régime de Mao, bien que critiquable, était "socialiste" avec son "système de santé socialiste" et ses "médecins aux pieds nus"... Que les ouvriers chinois étaient exploités sous Mao et Xi jinping, et condamnés par millions aux camps, sous Mao comme sous Xi Jinping, il n'en nullement question.
Si Chuang bénéficie pour son plus grand bien de l'analyse inestimable de Robert Wallace sur la destruction du monde par le Capital, il n'en est pas marxiste pour autant. Chuang, comme le font d'ailleurs encore aujourd'hui des groupes néo-staliniens ou gauchistes (certains groupes trotskystes et alii), crie surtout haro sur les milliardaires, comme Ma Yun (Jack Ma), PDG d'Alibaba :
"(la Chine actutelle) engendre des milliardaires comme Ma Yun, tandis que les millions d'habitants d'en bas – ceux qui cultivent, cuisinent, nettoient et assemblent les composants de son industrie électronique – luttent pour échapper au destin d'un travail interminable et usant. Mais tandis que les riches de la Chine festoient de plus en plus, les pauvres commencent à défoncer les portes de la salle de banquet".
Pour Chuang, la lutte des classes est un fantasme qu'il vaut mieux remplacer par une "lutte des riches contre les pauvres" et vice-versa. Bien que parlant de la "valorisation du capital" (terme qu'il emprunte à Robert Wallace), Chuang semble résumer la "révolte" ou la "révolution" (on ignore sa préférence sémantique) à une "lutte" pour se répartir les restes du banquet des riches, sans penser le moins du monde à l'édification d'une nouvelle société sans classes, sans profits, sans capital, sans loi de la valeur, au niveau mondial. Bref l'émergence d'un vrai communisme qui est l'antithèse de celui de Mao. Un communisme basé sur les conseils ouvriers non sur un parti État totalitaire.
De manière très étrange, mais symptomatique, Chuang compare les mesures prises par l’État capitaliste chinois à des mesures de "contre-insurrection" qu'il compare à des actions de type colonialiste contre les "masses opprimées", comme au temps de la guerre d'Algérie et dans le territoire d'Israël/Palestine :
"l'adoption de mesures désespérées et agressives reflète celles des cas extrêmes de contre-insurrection, rappelant le plus clairement les actions de l’occupation militaire-coloniale dans des endroits comme l’Algérie ou, plus récemment, la Palestine".
La cerise sur le gâteau de cette analyse qui se veut "radicale" est la référence aux grèves de masse du passé, analysées par Rosa Luxemburg et Anton Pannekoek. Pour Chuang, la grève de masse est une sorte de mythe qui se vit d'abord dans le plus total confinement, en pleine quarantaine, une virtualité de "choc profond" sur le plan subjectif de l'atome social élémentaire :
"l’expérience subjective ressemble un peu à celle d’une grève de masse – mais qui, dans son caractère non spontané, descendant et, surtout, dans son hyper-atomisation involontaire, illustre les énigmes fondamentales de notre propre présent politique étranglé aussi clairement que les véritables grèves de masse du siècle précédent ont élucidé les contradictions de leur époque. La quarantaine est donc comme une grève vidée de ses caractéristiques communes, mais néanmoins capable de provoquer un choc profond à la fois sur le plan psychique et économique".
La conclusion de Chuang, "digne de réflexion" selon lui, c'est que la "révolution" future sera chaotique ou ne sera pas, une épidémie sociale et non un processus de prise de conscience et d'action organisée des masses prolétariennes :
"Alors que les fours de toutes les fonderies se refroidissent pour devenir des braises doucement crépitantes puis des cendres refroidies par la neige, les nombreux petits désespoirs ne peuvent s’empêcher de sortir de cette quarantaine pour se transformer en un chaos plus grand qui pourrait un jour, comme cette contagion sociale, s’avérer difficile à contenir".
On ne peut que répéter, toujours et infatigablement, le BA-BA du marxisme révolutionnaire :
Sans conscience de classe du prolétariat, sans organisation en partis de classe indépendants de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie, sans programme précis de la société nouvelle qui surgira de la révolution, il ne peut y avoir que le CHAOS, en termes clairs : le NÉANT.
Pantopolis, 22 mars 2020.
Origine maoïste du groupe Chuang ? Une citation du président Mao (1966) 毛泽东思想是我们的政治方向,是我们行动的最高指示,是我们观察和分析一切事物的思想上政治上的望远镜和显微镜。在这埸史无前例的文化大革命中,我们要用毛泽东思想去观察一切,分析一切,改造一切,一句话,就是统帅一切。我们要用毛泽东思想去冲锋陷阵,夺取胜利。 La pensée de Mao Zedong est notre direction politique, notre directive suprême pour l’action, notre télescope et microscope idéologique et politique pour l’observation et l’analyse de tout. Dans cette révolution culturelle sans précédent, nous devons utiliser la pensée de Mao Zedong pour tout observer, tout analyser, tout transformer, tout commander, en un mot. Nous devons utiliser la pensée de Mao Zedong pour monter à l'assaut et remporter la victoire.
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Deux textes en anglais publiés en 1986 par un groupe communistes des conseils de Hongkong.
Auteur L.L. Men
Livre téléchargeable en pdf.