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théorie politique

Adieu la vie, adieu l’amour… Ukraine, guerre et auto-organisation, de Tristan Leoni

Publié le 30 Mai 2022 par Tristan Leoni, commentaire Pantopolis in analyse politique

fichier pdf du texte de Tristan Leoni.

brigade de défense territoriale anarchiste ukrainienne, mars 2022 https://www.militantwire.com/p/ukrainian-anarchists-mobilize-for?s=r

brigade de défense territoriale anarchiste ukrainienne, mars 2022 https://www.militantwire.com/p/ukrainian-anarchists-mobilize-for?s=r

Introduction à l’article de Tristan Leoni, 8 mai 2022[1]

Nous reproduisons sur Pantopolis l’article de Tristan Leoni publié le 13 mai par le blog « douter de tout… » (DDT).

Son intérêt, outre son refus de toute langue de bois, est de souligner l’enjeu du conflit non seulement internationalement mais en France, où la propagande de l’État et de ses médias se gargarise de « Droit », de  « Justice » et de « Démocratie » pour mieux préparer une nouvelle union nationale comme en 1914, où les exploités serviraient une fois de plus de chair à canon :

« Les blocs se constituent, se formalisent. Le risque serait que la guerre en Ukraine, malgré son lot d’horreurs, ne soit qu’une escarmouche annonçant des conflits d’une autre ampleur, à court ou moyen terme.

« En attendant, ceux qui payent la casse sont toujours les mêmes, les prolétaires : accentuation de la crise, compétition internationale et exploitation accrues, inflation, augmentation des budgets militaires qui ne peut signifier que des hausses d’impôts et des baisses de services (santé, éducation), etc. Des révoltes locales auront lieu, en particulier dans l’Hexagone, mais rien qui pour l’instant ne puisse ébranler l’ordre capitaliste ou les tensions interétatiques.

« Gageons toutefois que si, dans les prochains mois ou les prochaines années, la France et son armée devaient être impliquées beaucoup plus directement dans une guerre de haute intensité (du genre de celle que subit l’Ukraine), le gouvernement et les médias nous expliqueront que c’est afin de défendre la justice, le droit et la démocratie, comme en 1914 !

L’autre intérêt de l’article de Leoni est de dénoncer l’engagement de certains anarchistes dans le conflit du côté du côté du drapeau national jaune et bleu. Ceux-ci, au nom de d’une prétendue implication dans « la politique réelle », c’est-à-dire la boucherie impérialiste, se rangent – comme certains de leurs prédécesseurs en 1914 et 1937 – du côté de la « patrie » pour laquelle il s’agit de « mourir les armes à la main » mais en se drapant dans le drapeau de « l’autonomie », « premier message de libération sociale pour tous et toutes ». Un peu de noir pour cacher le sang répandu par les prolétaires de part et d’autre… Au Z (vers l’Ouest, zapad) des chars de l’impérialisme russe et au drapeau jaune et bleu de l’État bourgeois ukrainien, les anarchistes opposent le A cerclé sur fond de drapeau noir « pour être aux côtés des gens » (sic) :

« Néanmoins, ce qui a beaucoup surpris en France, c’est d’apprendre, via quelques textes et témoignages, que des anarchistes ukrainiens s’étaient engagés dans l’armée ou dans la Défense territoriale. Quelques groupes semblent ainsi avoir profité des distributions d’armes pour constituer des unités de combat ; une brochure évoque la création de ‘deux escouades ; une vingtaine de militants en treillis et kalachnikovs posent pour la photo autour d’un drapeau noir au A cerclé, la légende du cliché énonçant prudemment que ces groupesauraient un certain degré d’autonomie au sein de la Défense territoriale…

« Si nous restons à l’écart des conflits entre États, nous restons à l’écart de la politique réelle. Il s’agit aujourd’hui de l’un des conflits sociaux les plus importants qui se déroulent dans notre région. Si nous nous isolons de ce conflit, nous nous isolons du processus social actuel. Nous devons donc participer d’une manière ou d’une autre. […] toute force qui s’investit dans le développement politique à venir doit être présente ici et maintenant, aux côtés des gens. Nous voulons faire des avancées pour être en relation avec les gens à une plus grande échelle, pour nous organiser avec eux. Notre but à long terme, notre rêve, est de devenir une force politique visible dans cette société afin d’obtenir une réelle opportunité de promouvoir un message de libération sociale pour tous et toutes. »[2]

Le « combattant » anarchiste en Ukraine deviendrait alors, comme le « combattant » kurde du Rojava (Kurdistan syrien) – mourant aux côtés ou pour les forces impérialistes US – devienne une « référence en matière de radicalité politique », estampillée du drapeau noir. Sans rappeler que les frontières sont celles de la lutte interimpérialiste et non des frontières d’affrontement entre prolétariat et bourgeoisie :

 « On parle d’ailleurs plutôt de « résistance », de « volontaires en armes » ou d’une « structure milicienne » évoquant l’Espagne de 1936 (bien qu’ici ce soit deux camps nationalistes qui s’opposent), on relativise le poids de l’extrême droite, pourtant très présente dans l’armée de Kiev, etc. »

Pour ces anarchistes, l’appel, classique dans le mouvement révolutionnaire, de mettre la crosse en l’air, de rompre les rangs et de déserter, ne concernerait plus que les insoumis russes en excluant les insoumis ukrainiens, donc tous les déserteurs des deux côtés des lignes de front impérialiste :

« Soutenir les déserteurs ? Voilà du moins une activité révolutionnaire classique en temps de guerre (organiser des réseaux pour passer les frontières, obtenir des faux papiers, héberger des fugitifs), davantage applicable dans les pays limitrophes. En France, on peut certes croiser des banderoles ou des initiatives de soutien aux « déserteurs, réfractaires et insoumis russes », mais pas, semble-t-il, en faveur de leurs homologues ukrainiens, dont le nombre augmente pourtant. La situation peut évoluer, mais pour l’instant elle nous rappelle que, lors de la guerre en Syrie, les Kurdes refusant le service militaire obligatoire au sein des YPG ont été opportunément oubliés alors qu’ils étaient nombreux à se réfugier dans les grandes villes européennes. »

Tant qu’il n’y aura pas de mobilisations réelles des prolétaires contre la guerre, de part et d’autre des lignes de front, avec appel à la désertion, au sabotage de l’appareil militaire et à la mise hors d’état de nuire du commandement militaire et de l’État qui les dirige – quel que soit le drapeau – la boucherie sanglante frappant l’Ukraine et la Russie, se perpétuera. En attendant d’autres conflits encore plus meurtriers tant en Europe qu’en Afrique et en Asie…

Pantopolis, 30 mai 2022.

 

 

 

[1] Texte initialement paru sur le blog « douter de tout… pour tenir l’essentiel » : ddt21.noblogs.org.

[2] Cf. « Entretien : Comité de Résistance, Kyiv », mars 2022 :  https://renverse.co/analyses/article/ukraine-et-russie-3441

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