Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
pantopolis.over-blog.com

théorie politique

Maximilien RUBEL*, Guerre et paix nucléaires . Reprint : Non Lieu, avril 2024.

Publié le 28 Juin 2024 par P.B. Pantopolis

  Maximilien RUBEL*, Guerre et paix nucléaires . Reprint : Non Lieu, avril 2024.

 

 

  Maximilien Rubel*, Guerre et paix nucléaires[1]. Reprint : Non Lieu, avril 2024.

 « Certes, le spectre de la guerre nucléaire ne hante plus le monde. Et Pourtant la crainte n’en demeure pas moins incrustée dans les esprits, comme si chacun se sentait, se savait guetté par un dénouement fatal. Et pour cause ! Aucun des processus destructeurs qui ont marqué ce siècle n’a cessé d’être à l’œuvre, et qui pourrait se risquer à dire aujourd’hui qu’il en sera autrement demain ? » (Louis Janover, 1997).

La réalité de la prétendue paix nucléaire, celle de brigands capitalistes surarmés qui dominent la déliquescente Organisation des Nations Unies (Russie, USA, Chine, Grande-Bretagne, France, Inde, etc.)

Le 31 juillet 1991 était signé à Moscou, un accord de désarmement entre les USA au sommet de sa puissance et l’URSS en voie de décomposition. Le traité START I visait à réduire en sept ans un tiers des arsenaux stratégiques des deux pays. Avec la signature, le 3 janvier 1993, du traité START II à Moscou, Boris Eltsine et George Bush acceptaient une réduction de deux tiers de leurs arsenaux nucléaires : les stocks de têtes nucléaires, d’ogives, de fusées à têtes téléguidées, de missiles et de sous-marins sont alors considérablement réduits.

Trente ans plus tard, le tableau est tout autre. Beaucoup de pays se pressent au portillon pour avoir « leur bombe ». La Corée du Nord, en 2019, dispose d’un arsenal d’environ 20 à 30 armes nucléaires et de suffisamment de matières fissiles pour se doter de 30 à 60 armes nucléaires supplémentaires. De son côté, l’Iran, avec l’aide de la Russie et de la Chine, poursuit sans répit son programme nucléaire.

En octobre 2023, le Pentagone publiait son rapport annuel au Congrès sur la puissance militaire chinoise. Il y affirmait que le régime de Xi Jinping pourrait aligner plus de 1.000 têtes nucléaires opérationnelles d’ici 2030, contre 500 actuellement[2].

De Trump à Biden, et de Biden à Trump – si ce dernier doit l’emporter aux élections du 5 novembre 2024 –, la tendance est à l’investissement massif pour rendre pleinement opérationnel tout le stock d’ogives nucléaires[3].

Dans l’affirmation de sa puissance destructrice, la Russie poutinienne se hausse à la première place : le SIPRI de Stockholm place toujours la Russie en tête du classement des puissances nucléaires selon la taille de l’arsenal, avec un stock estimé qui dépasse d’environ 672 têtes celui des États-Unis.

Source : https://fr.statista.com/infographie/23984/arsenal-puissances-nucleaires-nombre-de-bombes-par-pays/

Source : https://fr.statista.com/infographie/23984/arsenal-puissances-nucleaires-nombre-de-bombes-par-pays/

Certaines de ces puissances impérialistes, qui se prennent pour les Cavaliers de l’Apocalypse, n’hésitent pas à revêtir le costume hollywoodien de Terminator. Donald Trump, qui pourrait bientôt succéder à Joe Biden, n’hésita pas à envisager, en septembre 2017, la totale destruction des ennemis de l’Amérique[1].

Depuis l’invasion de l’Ukraine par les armées russes, le 24 février 2022, Poutine et toute sa mafia criminelle qui « oriente » d’une main de fer les médias russes n’hésitent pas à parler d’une possible vitrification de villes comme Londres, Paris et Berlin, en moins de 200 secondes ! Au-delà de cette obsédante rhétorique terroriste, marque de fabrique de la Maison Russie, à chaque fois les nouveaux pays adhérents de l’OTAN, comme la Suède, s’ouvrent à « l’idée » (sic) d’un « déploiement d’armes nucléaires en temps de guerre »[2].

À 225 km de Kiev, la Biélorussie de Loukachenko entrepose des armes nucléaires tactiques russes, prêtes à servir sur le champ de bataille[3].

Sur ordre de Poutine, des exercices militaires combinés de l’armée russe, sont planifiés « pour s’entraîner à la préparation et à l’utilisation d’armes nucléaires non stratégiques »[4].

La tendance générale est donc plus que jamais celle d’un développement croissant des armes nucléaires, stratégiques et tactiques, particulièrement en Europe et en Asie, zones à très haut risque pour l’éclatement et l’extension géographique de la troisième guerre mondiale[5].
 

[1] Lors de son premier discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, le 19 septembre 2017, Donald Trump avait menacé de « détruire totalement » la Corée du Nord : «  Les États-Unis sont très puissants et très patients. Mais si on les contraint à se défendre ou à défendre leurs allés, nous n’aurons pas d’autre choix que de détruire totalement la Corée du Nord. » 

[2] L’Express, 13 mai 2024 : « La Suède prête à accueillir des armes nucléaires en temps de guerre ».

[3] Le Courrier  international, 17 janvier 2024.

[4] Communiqué du ministère de la Défense russe (lundi 6 mai 2024), cité par Le Monde, 6 mai 2024.

[5] SIPRI Yearbook 2023, résumé en français: https://sipri.org/databases, SIPRI Yearbook 2023: Armaments, Disarmament and International Security, Oxford University Press.

La monstrueuse logorrhée des classes dirigeantes : « la bombe c’est la paix »

S’inspirant quelque peu de 1984 d’Orwell (« la paix, c’est la guerre, la guerre c’est la paix »), les professionnels de la géoponique et autres stratèges de la « paix nucléaire » ont toujours distillé l’idée que  « l’équilibre de la terreur » empêcherait les conflits ouverts entre « grandes puissances » (sous-entendre : impérialistes) C’est cet équilibre des ogives nucléaires qui aurait permis d’éviter que la guerre froide ne dégénère en guerre chaude nucléaire. En fait, les principaux antagonistes, les USA et l’URSS, ont toujours marché au bord du gouffre. À peine quelques années après les capitulations allemande et japonaise, la guerre de Corée est à deux doigts de se terminer par un holocauste nucléaire. En effet, le 9 décembre 1950, la Chine intervint en Corée, pour sauver l’armée de Kim Il Sung en déroute.  Le général Mac Arthur proposa alors au président Truman de créer une « ceinture radioactive » à la frontière sino-coréenne. Truman repoussa cette idée et Mac Arthur fut limogé.

Lors de la crise des missiles à Cuba, un affrontement nucléaire direct entre Soviétiques et Américains fut évité quasi miraculeusement le 27 octobre 1962.

L’absence d’utilisation des ogives de l’apocalypse lors de la crise de Cuba n’empêcha pas les deux millions de morts de la guerre de Corée (1950-1953), le 1,5 million de morts de la guerre du Vietnam et le million de morts de la guerre d’Afghanistan (1979-1989), sans parler des multiples conflits en Amérique du Sud et en Afrique.

Vingt ans après la crise de Cuba, dans la nuit du 25 au 26 septembre 1983, le monde passa  à deux doigts de la catastrophe, lorsqu’un officier soviétique dans une base d’information satellite reçut un rapport lui signalant une attaque nucléaire américaine. Cet officier refusa de suivre la procédure et l’URSS ne riposta pas.

Et il se trouve toujours de bonnes âmes académiques pour prétendre mordicus, au mépris des faits historiques, que  « en 1945, ce sont les champignons vénéneux d’Hiroshima et de Nagasaki qui ont apporté la paix »[1].

Face à la monstruosité d’une guerre totale de destruction massive, les bonnes âmes, philosophes nobélisés encensés comme apôtres de la paix, proposent leur fumeuse nouvelle « révolution copernicienne » : une révolution idéaliste « éthico-politique »

En 1958, le philosophe Karl Jaspers, grand ami d’Hanna Arendt, publia son fameux La bombe atomique et l’avenir de l’humanité. Il affirmait que : « soit toute l’humanité serait physiquement détruite, soit l’homme  devrait transformer sa condition éthico-politique ».

Il ne pouvait qu’être universellement encensé, car son discours était dans la droite ligne de la logorrhée habituelle déversée année après année, 365 jours par an, à la tribune des Nations Unies : « On ne pourra éliminer la guerre que s’il existe une juridiction suprême qui substitue le droit à la force et qui puisse également arbitrer les divergences d’opinion et les oppositions d’intérêts les plus profondes ».

L’humanité est maintenant sans doute à la veille d’une troisième guerre mondiale, et ce discours lénifiant a pour seul but de chloroformiser la classe révolutionnaire qui pourrait réellement « éliminer la guerre », provoquée par l’existence même du système d’exploitation capitaliste sur l’ensemble de la planète. Cette classe c’est le prolétariat auquel Rubel a souhaité dans son livre donner la parole, face aux bavardages de la classe ennemie du genre humain : la classe bourgeoise.

 

[1]Journal du CNRS, mai 1997, « opinion » d’Hélène  Ahrweiler, médiéviste byzantiniste, présidente de Paris-I-Sorbonne (1976-1981), nommée par Mitterrand en 1982 Recteur de l’Académie de Paris, chancelier des Universités de Paris. Cité par Louis Janover.

Un enjeu révolutionnaire : socialisme libérateur ou barbarie capitaliste

Rubel a progressivement délaissé une vision philosophique idéaliste (telle qu’exprimée dans la petite revue confidentielle Verbe, en 1938).  Rubel parlait alors d’une « humanité qui fait elle-même les apprêts de sa mort », autrement dit d’un suicide (socratique ?) collectif. Une affirmation inspirée sans doute par la conception freudienne, quelque peu mythologisante, d’une lutte éternelle entre les hypostases Eros et Thanatos. Le précurseur en était le philosophe présocratique Empédocle d’Agrigente.

Son engagement militant internationaliste contre la monstrueuse guerre impérialiste, quel que soit le camp, lui permit d’accéder pleinement à la théorie marxiste, communiste matérialiste, pour laquelle l’hypostase « humanité » ne sert qu’à camoufler la responsabilité des classes dirigeantes exploiteuses pour lesquelles la faillite de leur système est maquillée en un prétendu « suicide collectif »[1].

« Si l’humanité est aujourd’hui menacée d’extinction, ce n’est pas parce que, en tant qu’espèce animale douée collectivement de raison et de déraison, elle serait capable d’un suicide collectif. Car toute espèce animale veut vivre et perdurer dans son être. En vérité, si le monde risque de disparaître, c’est parce que son destin dépend d’une classe ou d’une catégorie sociale qui, fortement minoritaire par rapport à l’immense majorité des hommes, dispose des moyens matériels et intellectuels susceptibles de causer la fin du monde, le Weltuntergang, l’Apocalypse.
L’entité verbale « l’homme » n’a de sens que comme concept biologique ou générique désignant une espèce animale ayant un patrimoine génétique héréditaire ou génotype dont tout individu est porteur. Prétendre que la totalité des individus constituant cette espèce sont capables à un moment déterminé de leur évolution de décider de leur sort physique et de se conduire, tel un individu singulier, en entité suicidaire, c’est sacrifier le raisonnement logique à un jeu verbal, permis tout au plus dans un discours lyrique nourri d’abstractions imaginaires.
Il n’y a ni pulsion de mort ni Eros éternel en tant que propriétés psychiques qui distingueraient l’espèce humaine comme telle. Il y a d’un côté certaines catégories d’hommes, les masses d’individus pensant et agissant en fonction de leurs intérêts immédiats de conservation et d’amélioration de leur vie quotidienne : c’est l’immense majorité, ordinairement rangée sous la vague notion de « peuple », c’est le gros de l’humanité, le vulgus où se recrutent les populations constituant les citoyens des États dirigés par des gouvernements démocratiquement élus ou installés de force. Élites politiques, ces pouvoirs bénéficient du concours d’élites intellectuelles, complices ou critiques… » (p. 185-186).
Rubel souligne dans ses fermes réflexions finales contre le pacifisme nucléaire le véritable enjeu : « ou bien survivre en réalisant ‘l’idée communiste’ ou bien périr pour n’avoir pas su mettre fin au joug du capital et de l’État ». C’est un dilemme que Rosa Luxemburg posait avec force en pleine guerre mondiale, en 1916 : « socialisme ou barbarie »[2].
On peut regretter que ce livre important de Rubel, présenté par Louis Janover, n’ait pas développé à l’époque un cadre révolutionnaire visant à mettre fin au terrorisme permanent du capitalisme et de ses États nationaux, donc au talon de fer de l’oppression sociale partout présente sur notre planète. « Marxologue », Rubel a été aussi (et surtout) un propagateur ardent du communisme des conseils, celui d’Anton Pannekoek et du GIK-GIC germano-hollandais, en particulier.
Le surgissement d’une révolution universelle sous forme de conseils de travailleurs détenant tout le pouvoir, sur tous les continents et dans tous les pays, a été anticipé par Marx depuis la Commune de Paris. Mais cela présuppose – idée rejetée par les « conseillistes » et non par les authentiques communistes des conseils – la formation de groupes et partis communistes internationalistes au sein des conseils révolutionnaires, dont la tâche est de lutter sans répit contre les manœuvres mortelles de la bourgeoisie pour étouffer et détruire la conscience de classe du prolétariat.
PB Pantopolis, 30 juin 2024.

 

 

 

[1] Attali (Jacques), Économie de l’apocalypse. Trafic et prolifération nucléaires, Fayard, Paris, 1995.

[2]  Rosa Luxemburg, La brochure de Junius, la guerre et l’Internationale (1907-1916). Œuvres complètes – Tome IV, Agone/smolny, Marseille/Toulouse, 2014, traduit de l’allemand par Marie Hermann.

Commenter cet article