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théorie politique

Le mythe du ‘négationnisme’ bordiguien ou Audaciter calomniare, semper aliquid haeret

Publié le 17 Septembre 2024 par Ph. B. Pantopolis

Introduction à un extrait du livre de Ph. Bourrinet, Un siècle de gauche communiste "italienne" (1915-2015), 3e édition élargie, premier mai 2017, éditions moto proprio.

Nous donnons un extrait de notre livre consacré au prétendu "négationnisme" bordiguien, propagé par des calomniateurs professionnels de toute expèce (gauchistes, trotskystes, anarchistes, etc., soutiens "sionistes de gauche" inconditionnels de la racaille d'extrême droite de Netanyahou.

Pantopolis, 17 septembre 2024

 

Le mythe du ‘négationnisme’ bordiguien ou Audaciter calomniare, semper aliquid haeret[1]

Nous ne pouvons terminer l’introduction à ce Dictionnaire, où il est souvent question du mythe de l’invariance, sans détruire un mythe, infiniment plus pernicieux. Il s’agit du mythe du négationnisme antijudaïque qu’aurait initié le courant «programmiste».

Il faut rappeler que, au début des années 1980, s’était développée toute une idéologie nommée d’abord «révisionniste», puis «négationniste». Propagée dès les années 50 par Paul Rassinier – ancien socialiste devenu anarchiste et proche de la mouvance fasciste de Maurice Bardèche – et Robert Faurisson, elle trouva son principal zélote dans le personnage de Pierre Guillaume, ex-patron de la librairie parisienne «La Vieille Taupe»[2]. Certains, plus ou moins séduits par la Gauche communiste italienne, mais aussi par goût gratuit de la provocation, tel Gilles Dauvé* (Jean Barrot), se laissèrent entrainer, au point de caresser un temps les thèses faurissoniennes, avant de s’en mordre (trop tardivement) les doigts.

Les anciens de la «Vieille Taupe», Pierre Guillaume et Gilles Dauvé, dans les années 70 et 80 avaient promu un article de Programme communiste consacré à l’extermination des juifs, en particulier à Auschwitz[3]. Cet article se voulait une dénonciation de l’«antifascisme», mais surtout une réaction à une «affiche du M.R.A.P. attribuant au nazisme la responsabilité de la mort de 50 millions d’êtres humains dont 6 millions de Juifs». L’article n’avait pas été écrit par Bordiga[4], philosémite jusque dans la reconnaissance d’Israël (cf. infra), mais par un jeune physicien français, membre en vue du «parti» bordiguiste, Martin Axelrad (Jean-Pierre), juif autrichien réfugié en France, qui avait échappé à l’extermination pendant la guerre.

Le texte d’Axelrad se voulait une dénonciation de tous les idéologues du capitalisme pris comme un tout, qui se défausse de ses crimes en les rejetant sur la perversité des «uns ou des autres» : «Refusant de voir dans le capitalisme lui-même la cause des crises et des cataclysmes qui ravagent périodiquement le monde, les idéologues bourgeois et réformistes ont toujours prétendu les expliquer par la méchanceté des uns ou des autres. On voit ici l’identité fondamentale des idéologies (si l’on ose dire) fascistes et antifascistes : toutes les deux proclament que ce sont les pensées, les idées, les volontés des groupes humains qui déterminent les phénomènes sociaux».

De négation du Grand Massacre (Shoah), il n’était nullement question. Martin Axelrad dénonçait la complicité universelle de toutes les bourgeoisies, et en premier lieu celle de la bourgeoisie anglo-saxonne, qui avait refusé toute transaction avec les nazis en 1944 pour échanger la vie de 400.000 Juifs hongrois contre des camions.

Surtout, Axelrad soulignait que l’horreur nazie était une horreur sans fin qui se perpétuait jusque dans la démocratie capitaliste, en transformant tout prolétaire en marchandise promise à une mort déshumanisées. La barbarie nazie ne devait pas faire oublier la barbarie quotidienne de la reconstruction capitaliste dans la chair de l’homme vivant, transformé en marchandise : «Les expériences des médecins S.S. doivent faire oublier que le capitalisme expérimente en grand les produits cancérigènes, les effets de l’alcoolisme sur l’hérédité, la radio-activité des bombes ‘démocratiques’. Si on montre les abat-jour en peau d’homme, c'est pour faire oublier que le capitalisme a transformé l’homme vivant en abat-jour. Les montagnes de cheveux, les dents en or, le corps de l’homme mort devenu marchandise doivent faire oublier que le capitalisme a fait de l’homme vivant une marchandise. C’est le travail, la vie même de l’homme, que le capitalisme a transformé en marchandise. C'est cela la source de tous les maux. Utiliser les cadavres des victimes du capital pour essayer de cacher la vérité, faire servir ces cadavres à la protection du capital c’est bien la plus infâme façon de les exploiter jusqu’au bout».

Martin Axelrad, collant à la lettre à la Dialectique de la Nature d’Engels, coulait son «explication» de la Shoah dans le moule réducteur d’un matérialisme naturaliste, auquel il réduisait le marxisme, niant du même coup l’autonomie des superstructures idéologiques[5]. Il donnait une «sinistre rationalité» à un système suintant par tous ses pores une barbarie parfaitement irrationnelle. Cette vision économiste fut d’ailleurs régulièrement reprise par les «programmistes» italiens de 1979 à aujourd’hui[6].

Le deuxième reproche – venant du camp internationaliste – qui pouvait être adressé à ce texte, était de se terminer par un macabre rappel des abat-jour des SS confectionnés avec la peau des Juifs, sans aucun appel à venger les millions de morts victimes du capitalisme. C’est ce qu’avait fait d’ailleurs en juin 1945 la Gauche communiste de France (GCF). Sa conclusion était bien plus politique que macabre :

« … les millions de morts que la bourgeoisie a perpétrés dans cette guerre ne sont qu’une addition à une liste déjà bien trop longue, hélas, des martyrs de la civilisation, de la société capitaliste en décomposition… Ces millions de morts réclament vengeance. Et ils réclament vengeance non sur le peuple allemand qui lui continue à payer, mais sur cette infâme bourgeoisie hypocrite et sans scrupules qui elle n’a pas payé, mais profité et qui continue à narguer les esclaves qui ont faim, avec leurs mines de porcs à l’engrais. La seule position pour le prolétariat n’est pas de répondre aux appels démagogiques tendant à continuer et à accentuer le chauvinisme au travers des comités antifascistes, mais la lutte directe de classe, pour la défense de leurs intérêts, leur droit à la vie, lutte de chaque jour, de chaque instant jusqu’à la destruction du régime monstrueux du capitalisme»[7].

Des critiques mal-intentionnés de l’article de Martin Axelrad, relu dans le contexte idéologique du «négationnisme» faurissonien, ont prétendu que le négationnisme antijudaïque était bien inscrit dans les gènes du bordiguisme, chez Bordiga comme chez ses disciples[8].

Rien n’est plus mensonger. La mouvance issue du bordiguisme, comme Invariance de Jacques Camatte, dénonça la fraude négationniste dès 1980 :

«Leur position est grosse d’un immense danger : sous-estimer ou ignorer l’apport énorme de la communauté juive au procès de formation de l’Occident, à celui de la connaissance, à la lutte contre la domestication. Danger encore plus grave que celui d’un antisémitisme immédiatiste vers lequel ils peuvent plus ou moins facilement glisser»[9].

La même année, en octobre 1980, l’organe du PCI Le Prolétaire, combattait vigoureusement le négationnisme, partant du principe, historiquement vérifiable, que le pire danger est de sous-estimer les victimes de la barbarie capitaliste. Un article anonyme (très probablement de Martin Axelrad) laissait éclater sa colère devant ce sommet de dénégation des horreurs capitalistes : «Personne n’a besoin d’‘inventer’ des horreurs et il est difficile d’‘exagérer’ : le capitalisme en produit beaucoup plus que l’imagination ne saurait le faire. Le tout est de savoir quelle attitude on a devant ces horreurs. […] Peut-on répondre à [l’]exploitation par la bourgeoisie de ses propres crimes en niant purement et simplement leur réalité ? Non ! C’est débile – dans tous les sens du terme. […] Le prolétariat ne nie pas la réalité des tortures, massacres, exterminations, même s’il n’est pas seul à les subir, […] mais il montre leur cause réelle»[10].

La fille de Martin Axelrad, Catherine, qui avait eu le malheur de croiser Pierre Guillaume, soulignait qu’elle «n’avait pas été élevée dans le culte d’Auschwitz, loin de là, mais on ne fait pas l’Histoire en la niant, ce n’est même pas la peine d’être marxiste pour le savoir… » L’horreur que lui causait celui quelle nommait «le gros chef» lui faisait «regretter amèrement d’avoir oublié le peu de judo (qu’elle avait) appris en sixième» : «Si j’étais ceinture noire, je pourrais lui casser la gueule… »[11].

En fait, le négationnisme fut extrêmement minoritaire, il ne toucha en Italie que quelques «programmistes» réels ou supposés. Cette idéologie, sous sa forme «nationale-arabe» devait trouver, dans les années 1980-90, un terrain chez une petite poignée d’anciens «programmistes» ou trotskystes comme Cesare Saletta* et Corrado Basile*. Ceux-ci prétendaient se faire les chantres des luttes des «masses arabo-musulmanes» contre l’impérialisme américain et Israël (en ‘oubliant’, au passage, les États ultra-réactionnaires, comme l’Arabie saoudite et les États du Golfe).

Leur but était clair : plus que de combattre l’antifascisme, il s’agissait de soutenir le nationalisme arabe contre le «sionisme», au nom de la lutte des «peuples arabo-musulmans» contre l’Amérique, défenseuse de l’État d’Israël. Ainsi, Corrado Basile, dans une circulaire diffusée en 2015, dévoilait sans fard (et sans honte) son projet négationniste : «La lutte contre la superpuissance américaine, un péril pour le monde entier et qui d’ici quelques années sera un péril imminent pour l’Europe – péril palpable dont Israël sera la tête de pont avancée –, est et doit être aussi une lutte contre la forme historique dans laquelle s’est cristallisé l’establishment d’Outre-Atlantique. La défense et la diffusion du révisionnisme sur l’Holocauste font partie intégrante de cette lutte»[12].

On peut en conclure que ce négationnisme est ici la forme national-populiste du vieil anti-impérialisme «yankee» se mettant au service exclusif de l’impérialisme «arabo-musulman», dont il n’est pas difficile de trouver les heureux ‘bénéficiaires’ à l’époque de Daech !

 

 

La position de Bordiga sur l’antijudaisme, le «sionisme» et l’Église catholique

L’anonymat, dans lequel s’était réfugié Bordiga, lui joua un mauvais tour au cours de ces années négationnistes. Ses véritables positions furent méconnues et des idéologues malintentionnés ou ignorants voulurent lui faire porter le chapeau d’un prétendu antijudaïsme, alors que, sans l’ombre d’un doute, il l’aurait combattu publiquement, s’il avait vécu plus longtemps.

Dans les rares articles qu’il consacra à la question de l’Holocauste comme à la «question juive»[13], Bordiga fut particulièrement virulent contre toute forme de racisme qu’il assimilait au crime en bande organisée. En 1960, face à une épidémie de judéophobie, il écrivit un article dénonçant «l’explosion de délinquance raciste et de banditisme antisémite ainsi que l’épidémie de croix gammées» [14]. Il soulignait au passage que le fascisme «était intégralement passé en héritage au vainqueur démocratique», le jour même de la fin officielle du conflit mondial, par le massacre à Sétif de «40.000 Algériens en 1945». Et Bordiga de souligner que «l’Afrique du Sud ultra-raciste vis-à-vis des Noirs (n’était) en rien inférieure au modèle hitlérien», bien que faisant «partie des Nations Unies issues du moule ultra-démocratique». C’était la «sève» même d’un système «putrescent» d’alimenter le racisme, en inventant périodiquement un bouc-émissaire : «Lorsque les choses vont mal, on cherche le Juif et, simultanément, on canalise l’indignation des masses exploitées vers l’antijudaïsme»[15].

Si dans un autre article – malheureusement toujours «anonyme» – Bordiga dénonce la «réapparition de la croix gammée», c’est pour mieux dénoncer les «charognes [staliniennes qui] ne savent que reproposer la convergence entre prolétariat et classes moyennes sur le terrain électoral». C’est aussi l’occasion pour le prophète napolitain de souligner que la dictature fasciste ou nazie ne «peut être liquidée qu’au moyen d’une phase historique de contre-dictature». Au lieu de pendre Mussolini par les pieds, «il fallait réellement frapper la classe qui était derrière lui»[16].

Toujours en 1960, Bordiga abordait de façon succincte la «question juive» et celle d’Israël [17]. Pour lui, il s’agissait de rappeler que, malgré le texte de Marx sur la Question juive, qui «réhabilite (le juif) en bourgeois, ennemi de notre nouvelle révolution», «nombre (de juifs), comme le maître lui-même, furent… de vaillants compagnons de route du communisme prolétarien», et qu’en 1917 «les marxistes juifs furent tous avec les bolcheviks».

Sur la question de la fondation d’Israël, Bordiga laissait entendre que «les juifs ont résolu leur question historique après que Hitler eut été écrasé, en obtenant une terre et un État», mais que «derrière tout cela, on retrouve tout le système capitaliste et mercantile de toujours». Était-ce une reconnaissance implicite d’un «sionisme» qui aurait pu être validé s’il avait su anéantir le capitalisme ?...

Bordiga laissait aussi exploser sa réaction indignée contre le stalinisme qui «en 1944… attendit le temps nécessaire pour que les dernières forces de Hitler anéantissent le ghetto (de Varsovie) dans le sang»[18]. Bordiga condamnait toute idée métaphysique de «peuple élu», que les juifs ont payée en «longs calvaires». Pour lui, la mythologie du «peuple élu» était cultivée autant dans l’idéologie du nazisme, qui «revendiquait pour lui seul le rôle de peuple élu», que dans celle des maîtres du Kremlin, «où l’on divague à la mode nazie sur le mythe d’un autre peuple élu, où l’on recherche la mission du peuple russe dans la tradition nationale de Pierre le Grand»[19].

De façon très curieuse, Bordiga – après avoir souligné l’efficacité du «cosmopolitisme» de l’Église catholique (supérieure à celui du ‘peuple élu’) – soulignait (en 1960 !) le rôle «positif» du Vatican pendant la guerre : «Même lors de la récente vague de l’hitlérisme, la grandeur de Rome s’observa dans sa non-discrimination à l’égard de ses millénaires ennemis de Sion»[20]. Ayant sans doute lu Le Vicaire (1963) de Rolf Hochhuth, Bordiga fit marche arrière et dénonça en 1965 «l’antépénultième pontife Pie xii qui s’est, lors de la dernière guerre, tenu dans le camp de Hitler et de sa sanglante croisade antijuive»[21].

Cependant, Bordiga – à l’occasion d’un discours de Noël du pape Eugenio Pacelli (1876-1958), dit Pie xii, sur la paix et l’industrialisme –, avait fait, en 1956, l’éloge de l’Église catholique. Celle-ci, malgré son «ordre moral» était «l’une des rares organisations historiques où la sélection ne porte pas au sommet, encore et toujours, les plus opportunistes, les plus vaniteux et les plus enclins à toutes les bassesses». Bordiga portraiturait Pacelli en «homme de grande culture… chef spirituel de l’immense mouvement chrétien universel» qui condamnait le «mammonisme» étasunien[22], dénoncé constamment par la papauté depuis Anatole Leroy-Beaulieu, mais – «encore et toujours» – sans condamner la richesse et les riches[23]. «Dialoguant» ainsi avec le «spirituel» Pacelli, comme il l’avait fait avec le «romantique» Staline, Bordiga ne dissimulait pas, cependant, sa passion du communisme : «Le communisme vaincra l’individualisme, à condition que Mammon soit tué… Il meurt lorsque la loi de la valeur – elle survit selon Staline – est comptabilisée parmi les choses mortes»[24].

Tous ces «dialogues» avec l’Église catholique, dont il suivait l’évolution à l’époque du concile Vatican II (1962-1965), témoignaient d’une profonde prégnance du catholicisme, admiré comme une préfiguration du cosmopolitisme communiste. L’individu était un néant pour Bordiga comme pour l’Église catholique, et la parousie ne pouvait triompher que par l’ascèse, celle du total mépris de soi du «communiste authentique» devant la grandeur de la finalité de l’Espèce humaine.

Il suffisait de transformer «Dieu» en «Parti», la cité terrestre en «communauté du Capital», la Cité céleste en «communauté cosmique de l’Espèce», pour renouer avec la vision augustinienne, instaurant le mythe des deux cités, où dans l’une triomphe «l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu : la cité terrestre», et dans l’autre «l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi : la Cité céleste»[25].

Entouré d’un beau-frère portant soutane (Stefano De Meo) et d’une fille médecin (la dottoressa Alma) maladivement bigote, Bordiga échappa de peu, lors de son agonie, à l’extrême onction, puis à un enterrement où bénédiction, chants religieux et goupillon l’auraient finalement béatifié… Sur la tombe de Bordiga, seul retentit le Chant du Piave, au grand scandale des présents[26].

Si Bordiga échappa de peu à cette «béatification» catholique, il n’échappa pas à une «canonisation», au sein de son propre «Parti», où le culte de la personnalité se conciliait mal avec celui de l’«anonymat». Finalement, Bordiga, comme autrefois le monarque du Moyen Âge[27], incarnait le corps mystique de son «Parti» : «Amadeo n’est pas, n’a jamais été un nom de personne, mais une ligne, un front de combat, un cœur et un cerveau qui battent de façon passionnée pour le communisme; le dernier des prolétaires qui se bat dans le Parti est Amadeo tout comme Amadeo est le dernier des prolétaires révolutionnaires. Amadeo est le Parti communiste international…»[28].

C’est cette position mystique, de totale soumission religieuse au «parti», que les programmistes, officiels ou schismatiques, ont cultivée, prenant corps dans le ‘centralisme organique’ : «(le but ultime de la communauté humaine), qui est considéré par ses adversaires et ses ennemis comme une ‘utopie’, est en réalité mise en œuvre du ‘corps mystique’ pour lequel tous les mouvements d’essence communiste – en quelque sorte, tout le long des régimes sociaux antérieurs, anciens ou plus proches de nous – ont combattuLa ‘mystique communiste’ n’est pas la même chose et de même nature que les autres expériences mystiques d’autres significatifs courants de pensée, tant politiques que religieux. Le centralisme organique, rocher solide sur lequel nous posons nos pieds, est avant tout une tension, une aspiration, toujours améliorée dans sa mise en pratique... »[29].

 

 

 

 

[1] Proverbe latin médiéval : «Calomnier effrontément, il en restera toujours quelque chose». Ce proverbe acquit une renommée universelle grâce au philosophe anglais Francis Bacon qui en dénonça la perversité dans son ouvrage De dignitate et augmentis scientiarum (De la dignité et de l’accroissement des savoirs) où il préconise une méthode empiriste de la connaissance. [

[2] Celle-ci avait été fondée avec l’aide de François Cerutti, dit François Martin, qui collabora au Mouvement communiste de Gilles Dauvé, puis rejoignit les Cahiers Spartacus de René Lefeuvre. Cf. son témoignage : D’Alger à Mai 1968. Mes années de révolution, Spartacus, juin 2010 [Avant-propos de Mohammed Harbi].

[3] «Auschwitz ou le grand alibi», Programme Communiste n° 11, avril-juin 1960 (publication électronique sous le nom de Bordiga, puis celui de Martin Axelrad) : https://www.marxists.org/francais/bordiga/

[4] C’est la thèse défendue par le professeur libertaire Alain Bihr dans la revue suisse en ligne À l’encontre, dans un article intitulé : «Les mésaventures du sectarisme révolutionnaire» (http://www.breche.ch/print/NegatioBihr07_10.html).

[5] Cf. Franz Jakubowsky (1935), Les superstructures idéologiques dans la conception matérialiste de l’histoire, EDI, Paris, 1971 (Traduction et présentation de Jean-Marie Brohm) : «L’autonomie apparente de la superstructure est la forme la plus importante de l’idéologie», p. 172. Cette analyse vaut pleinement pour le xxe siècle, avec la domination de l’idéologie totalitaire de l’État : fascisme, stalinisme, nazisme. On pourrait ajouter aujourd’hui l’«islamisme radical» porté par l’idéologie du «califat», soutenu en sous-main par les fractions bourgeoises parasitaires jouissant de la rente pétrolière.

[6] On pouvait lire dans un article de 1979 : «Les camps d’extermination, le massacre des Juifs ne sont pas le produit d’une folie criminelle, qui dédouanerait ainsi le capitalisme en tant que tel de toute responsabilité, mais la conséquence nécessaire, dans certaines circonstances spécifiques, de la sinistre rationalité inhérente au mode de production capitaliste. Les crimes nazis ne sont pas une exception due à la folie, mais la pointe extrême de la normalité capitaliste» [«Leggenda e verità dello sterminio nazista degli Ebrei», Il programma comunista n° 12, 16 juin 1979, p. 4].

[7] «Buchenwald, Maïdanek, démagogie macabre», L’Étincelle n° 6, organe de la Fraction française de la gauche communiste, juin 1945, p. 2.

[8] Voir les sources données pour les notices consacrées à Martin Axelrad et Gilles Dauvé.

[9] Jacques Camatte, «Dialogue avec Bordiga», Invariance n° 8, juillet 1980.

[10] «Anti-Antifascisme infantile», Le Prolétaire n° 322, 31 oct.–13 nov. 1980, p. 3. L’article, probablement de Martin Axelrad (qui fait référence à son propre article de 1960, «Auschwitz ou le grand alibi»), dénonçait nommément le groupe «La guerre sociale», animé alors par Dominique Blanc, Serge Quadruppani et Gilles Dauvé, tandis que Pierre Guillaume (Pierre Nashua) était tapi dans l’ombre.

[11] De Pierre Guillaume, Catherine Axelrad, écrivaine, a laissé le portrait d’un personnage cynique et répugnant qu’elle nomme «le gros chef», fidèle du «professeur Machin» (Robert Faurisson). Le «gros chef», animateur de Faisons l’histoire (Annales d’histoire révisionniste) est le gourou d’une bande de squatters avinés qui récitent les mêmes mantras : « (les juifs) sont morts de maladie, pas dans les chambres à gaz qui n’ont jamais existé, ‘c’étaient des douches… c’étaient tout simplement des douches !’» [Catherine Axelrad, La Varsovienne, Gallimard, sept. 1990].

[12] Lettre circulaire de Corrado Basile, 2 avril 2015, intitulée : «Le ribalderie e le falsificazioni del signor Dino Erba a proposito di un libro su Bordiga».

[13] L’un des rares groupes bordiguistes à avoir pris à bras le corps la «question juive» est le groupe florentin «Il Partito Comunista», dans une longue et récente étude, empathique et toute en nuances. On peut lire cette conclusion : «Ce n’est pas seulement la question juive qui trouvera sa solution dans la fin du système capitaliste de production, qui comme les précédents systèmes est venu au monde, a connu son âge adulte et devra disparaître, mais aussi la question nationale, celle de l’islam, la question catholique, en somme toutes les questions, réelles ou supposées, qui se sont présentées comme spécifiques, idéologiques, d’une façon ou d’une autre sans solution possible. Le communisme est négation dialectique, synthèse et dépassement des nombreuses particularités, que la trajectoire historique de l’humanité a générées, a su générer, développer, consolider et formaliser dans des visions de l’homme et du monde achevées et en soi cohérentes» [«La questione ebraica oggi. Serie di rapporti presentati nelle riunioni di partito da ottobre 2004 a settembre 2007», Comunismo n° 60 à 64, 2006-2008].

[14] (Bordiga) «Buchenwald è il capitalismo», Il programma comunista n° 1, 15-29 janvier 1960, p. 1. Ce texte de Bordiga est cité par un groupe dissident bordiguiste pour démontrer la vanité de présenter Bordiga en ‘négationniste’ : «Bordiga ‘revisionista’» ?, in «Partito Comunista Internazionale» – Bolletino n° 26, avril 1997.

[15] Ibid.

[16] (Bordiga) «Chi mai dietro la svastika? Il cretinismo democratico», Il programma comunista n° 2, 28 janvier-11 février 1960, p. 1. Souligné par nous.

[17] (Bordiga) «Torna la questione ebraica?», Il programma comunista n° 3, 12-25 février 1960, p. 1. Une traduction en français dans la revue (Dis)Continuité, Bordiga Textes 1915-1966, n° 5, déc. 1998, p. 196-197.

[18] Bordiga confond ici l’insurrection du ghetto de Varsovie d’avril-mai 1943 avec l’insurrection nationale qui se déroula du 1er août au 2 octobre 1944. Elle avait été précipitée par la résistance nationaliste (Armée de l’intérieur) qui voulait une Pologne sous influence anglo-saxonne, alors que l’Armée rouge avançait inexorablement vers l’ouest : les tanks russes n’étaient plus qu’à quelques dizaines de kilomètres de la capitale. De ces événements, Bordiga ne retint que l’extraordinaire héroïsme prolétarien des combattants du Ghetto, composés surtout de communistes et de bundistes.

[19] (Bordiga) «Torna la questione ebraica?», loc. cit.

[20] Ibid.

[21] «Tempo di abiuraturi di schismi» [Le temps des abjureurs de schismes], Il programma comunista n° 22, 20 déc. 1965, loc. cit. À Pie xii avaient succédé Jean xxiii et Paul vi. Des trois papes, seul Jean xxiii fut canonisé, en avril 2014, en même temps que Jean-Paul ii

[22] Dans le Nouveau Testament lu quotidiennement par la bourgeoisie wasp (White Anglo-Saxon Protestant), on peut lire : «Tu ne peux pas servir et Dieu et Mammon». 

[23] «Regardez les États-Unis d’Amérique : c’est, par élection, le pays de Mammon et du Mammonisme. Quel est le souverain de la grande république, si ce n’est le roi dollar ? … S’il est inique d’imputer le mammonisme au juif et de rejeter sur les ‘Sémites’ nos fautes et nos vices, est-il toujours juste de s’en prendre à la richesse ? Il ne faut calomnier personne, pas même la richesse et les riches. Le coupable, force est bien de le répéter, ce n’est pas la richesse, mais l’amour immodéré des richesses» [«Le Mammonisme et la démocratie», Revue des Deux Mondes, 1894, p. 721-742.]. Anatole Leroy-Beaulieu (1842-1912) fut le dernier président de la Ligue nationale contre l’athéisme (1886-1905).

[24] «Sorda ad alti messaggi la civiltà dei ‘quiz’» [Sourde aux messages de haute tenue, la civilisation des ‘questions pour un champion’], Il programma comunista n° 1, 7-20 janvier 1956, p. 3. Traduction française : Invariance, série IV, n° 9 (supplément), juin 1994, p. 137-146.

[25] Saint-Augustin, La Cité de Dieu, xiv, 28, «Formation de deux cités», in Œuvres de saint Augustin, tome 35, 5e série, Desclée de Brouwer, Paris, 1959, p. 465.

[26] f. Sandro Saggioro, Né con Truman né con Stalin. Storia del Partito comunista internazionalista (1942-1952), Colibrì, Milan, 2010, p. 200. Bordiga fut doublement enterré, au cimetière de Castellonorato, dans le caveau familial et symboliquement : un orchestre local joua la Légende du Piave (Leggenda del Piave), une chanson patriotique écrite en juillet 1918 [Témoignage de Michele Fatica, ibid.]. En 1946 et 1947, la Chanson du Piave fut l’hymne national (non officiel) de la République italienne. Une strophe de ce chant dégoulinait de tout le sang austro-hongrois répandu : «Rouge du sang altier de l’ennemi, le Piave ordonna : ‘Arrière, étranger!’».

[27] Thèse défendue par Ernst Kantorowicz, naguère proche de Carl Schmitt et des nationalistes allemands. Exilé aux USA en 1938, il soutenait dans son ouvrage Les deux corps du roi (1957) que dans le corps mortel du monarque s’incarnait le corps immortel du Royaume nécessairement transmis à son successeur.

[28] «Al lavoro compagni!», Il sindacato rosso n° 26, Florence, août 1970. Cet «hommage» saint-sulpicien a été très certainement rédigé par Giuliano Bianchini, dont la finesse intellectuelle «florentine» échappa toujours à Suzanne Voute et à tant d’autres.

[29] «Il ‘corpo mistico’ del partito di classe», Comunismo n° 65, Gênes, mai 1996. Souligné par nous.

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