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théorie politique

Henri Simon, 2015, L'industrie du migrant

Publié le 8 Février 2025 par Henri Simon, 2015, Industrie du migrant

https://spartacus1918.canalblog.com/2025/02/l-industrie-du-migrant-henri-simon.html

8 février 2025 (reprint sur le blog Spartacus)

L’INDUSTRIE DU MIGRANT par Henri Simon

MUTATIONS ET MIGRATIONS : UNE LONGUE HISTOIRE DE LA VIE SUR TERRE

Depuis l’origine de la vie sur Terre, les êtres vivants du monde végétal et animal, depuis la plus petite cellule jusqu’aux plus gros des mammifères supérieurs, sont apparus et se sont développés en raison d’un milieu favorable à cette naissance et expansion. Mais rien n’est jamais fixé dans un monde en perpétuelle évolution. D’un point de vue purement astrologique, la Terre elle-même bouge sans arrêt, hors de toute interférence du monde vivant, dans des cataclysmes naturels soit intrinsèques à la terre, brutaux ou dans une évolution lente, soit dus à l’irruption d’un agent extérieur venant de l’univers. Dans de telles circonstances, quelles qu’elles soient, le monde vivant doit ou muter dans le même milieu, ou migrer sous d’autres cieux plus cléments, ou disparaître. Mais ce monde vivant lui-même peut être la cause de cette même situation : les conditions favorables qui ont présidé à sa naissance et sa prolifération peuvent entraîner une pollution telle que non seulement elle détruit les possibilités de reproduction de cette espèce et entraîne son extinction, mais aussi elle rompt toute la chaîne vitale dans laquelle cette espèce s’insérait. Muter, migrer ou disparaître est finalement l’élément central de la vie sur la Terre.

L’espèce humaine, depuis des millions d’années, n’a pas échappé à ce type de situation. On ne sait pratiquement rien des mutations dont on connaît l’existence, mais encore moins de leur cause. Quant aux migrations jusqu’à l’époque moderne, on n’en sait guère plus sur leur cause, même si les analyses génétiques permettent d’en retracer le parcours. Pour la période la plus récente, entre deux mille à trois mille ans, si on connaît mieux les migrations on n’en sait pas trop non plus sur leurs causes. Difficile de savoir si les grandes invasions qui ont submergé et disséqué l’empire romain, toutes venues de l’Est, ont eu une cause commune de même que les plus récentes (les Huns au Ve siècle et les Arabes au VIIIe siècle pour la France, les Turcs au XVIIe siècle pour l’Europe). Toutes ces dernières migrations étaient autant des tentatives de conquêtes militaires au sens où nous l’entendrions aujourd’hui que de grands déplacements de population. D’autres migrations, intereuropéennes celles-là, et de moindre importance, ont jalonné la période moderne depuis celles des Vikings, des Normands débarquant en Angleterre, de la fuite des persécutions religieuses (protestants, juifs, arabes). Plus on se rapproche de notre époque, mieux on connaît les causes de ces migrations. Une partie d’entre elles sont des migrations de survie, caractère que l’on retrouve aujourd’hui. Mais c’est l’essor du capitalisme qui, dans l’époque moderne, va entraîner d’importantes migrations tant à l’intérieur des Etats que d’un Etat à l’autre, sous des formes totalement nouvelles. D’abord en Europe occidentale, puis progressivement dans le monde entier.

Certains analystes se sont demandé si les migrations encadrées du capitalisme dont nous allons parler ne procédaient pas non plus de la survie, pour revenir ainsi aux causes probables des migrations ancestrales avec leur formes spécifiques. La Syrie et l’Irak ont connu plusieurs années de sécheresse qui ont appauvri les tris quarts de la population. Il est certain que dans l’appréciation de l’ensemble des migrations modernes, le réchauffement climatique et la série de catastrophes climatiques qu’il entraîne parut sous-tendre les migrations dans un cadre différent.

Migrations et capitalisme

D’une certaine façon, le début du Moyen Âge et la fin des grandes invasions entraîne une sédentarisation dans le système féodal, basé sur l’agriculture et les activités techniques annexes nécessaires au fonctionnement de l’ensemble. Les villes deviennent à la fois des centres commerciaux et d’activité artisanale voire industrielle. Partout en Europe, on voit une migration des campagnes vers les villes qui absorbent essentiellement le surplus de population campagnarde, les migrants passant pour la plupart d’activité paysanne et/ou artisanale à une activité liée à un secteur de production économique. Par rapport à toutes les migrations antérieures, la finalité en est parfaitement claire.

Le capitalisme ne peut exister que par l’exploitation de la force de travail et il doit puiser pour ce faire dans les classes sociales existantes. La migration de base de l’essor de ce système ne peut venir que des campagnes et est le prolongement de ce qui existait déjà au Moyen Âge. On peut penser que ce n’est pas tant le surplus de population agricole qui favorise ces migrations de la campagne vers les usines, mais aussi les aléas climatiques ou autres des travailleurs agricoles et des paysans pauvres. L’emplacement des centres industriels n’était pas dû au hasard : il pouvait dépendre du secteur primaire (mines de charbon ou de minerai), de la proximité des transports, plus récemment de la proximité des marchés. Quelles que soient les raisons de ce développement industriel, il nécessitait une main-d’œuvre de plus en plus abondante, que la proximité ne fournissait qu’en nombre limité, d’où d’importantes migrations intérieures avec un total déracinement non seulement professionnel mais aussi familial et culturel. De plus, si l’approvisionnement en force de travail n’est pas suffisant, des moyens coercitifs sont mis en œuvre par ce qui est devenu la classe bourgeoise dominante, comme en Grande-Bretagne avec le mouvement des « enclosures » (XVIe-XVIIe siècles), une réforme des structures agricoles qui prive une bonne partie des paysans de tout revenu et les contraint à migrer vers les centres industriels. En France, qui était relativement peuplée, ce processus s’est fait progressivement, en partie pour des raisons politiques, mais dans des pays comme l’URSS, il a été conduit avec une extrême violence (depuis l’utilisation de la famine jusqu’à la déportation dans les camps sibériens).

Une des plus « extraordinaires migrations » qui démontre de manière criante le lien entre déplacement des populations et capitalisme est la traite négrière (1).

Au cours des xixe et xxe siècles le développement capitaliste a été accompli au prix non seulement de migrations internes mais aussi de migrations internationales. Notamment les Etats-Unis et le Canada et à un moindre degré le Brésil, l’Argentine et le Chili ont vu affluer des migrants, principalement d’Europe. Ces migrations étaient volontaires favorisées par la misère (un bon exemple en fut l’Irlande), la surpopulation et l’attrait de l’aventure et d’une possibilité de vie meilleure : elles ont fait l’essentiel du développement capitaliste de ces pays parfois au prix de l’élimination des populations autochtones. Les derniers développements importants, la Chine et l’Inde, se sont faits suivant le schéma traditionnel des migrations internes des campagnes vers les zones industrielles, sans apport extérieur.

Il est difficile de comprendre les migrations contemporaines sans prendre en compte les transformations radicales et catastrophiques provoquées au cours des années 1980 dans tant de pays africains par les Programmes d’ajustement structurel du FMI, ou, à partir des années 1970, les investissements vers l’étranger des multinationales, avec la création des « zones de production pour l’exportation » et le bouleversement de l’agriculture traditionnelle. Par exemple, la vente à des personnes ou sociétés privées de centaines d’hectares de terres éthiopiennes pour la production d’agrocarburants, entre autres. Ces acheteurs privés sont majoritairement européens (hollandais, suisses, allemands etc.), soit les mêmes qui renâclent à l’arrivée de migrants éthiopiens chez eux…

 

 

suite de ce long article de 2015 rédigé par Henri Simon sur le blog Spartacus :

https://spartacus1918.canalblog.com/2025/02/l-industrie-du-migrant-henri-simon.html
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