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théorie politique

‘GRAMSCISME’ ET ‘BORDIGUISME’, le sens d'une confrontation hier comme aujourd'hui

Publié le 24 Septembre 2016 par Ph. B. in Politique

gramscisme et bordiguisme, 30 septembre 2016

Bordiga, Moscou, juillet 1920 / Gramsci 1922 Rome / Alexis Tsipras (Syriza) et Pablo Iglesias (Podemos), 2014
Bordiga, Moscou, juillet 1920 / Gramsci 1922 Rome / Alexis Tsipras (Syriza) et Pablo Iglesias (Podemos), 2014
Bordiga, Moscou, juillet 1920 / Gramsci 1922 Rome / Alexis Tsipras (Syriza) et Pablo Iglesias (Podemos), 2014

Bordiga, Moscou, juillet 1920 / Gramsci 1922 Rome / Alexis Tsipras (Syriza) et Pablo Iglesias (Podemos), 2014

Extraits (conclusion) du texte :

...Gramsci, par sa théorie de l’intellectuel organique, incarné par le parti national-communiste, faisait de ce parti un parti de cadres techniques amenés à gérer le capitalisme d’État national, au terme d’une politique d’alliance avec les partis bourgeois démocratiques et républicains. Cette stratégie gramscienne, les dirigeants du PCI (Berlinguer) tentèrent de la réaliser dans les années 70 avec leur politique de « compromis historique » avec la démocratie chrétienne. On sait que si le PCI échoua en mai 1978 avec l’assassinat par les «Brigades rouges» d’Aldo Moro, le PCI, parti gramscien, put se transformer, après 1989, en Parti Démocratique de Gauche (PDS), actuellement au pouvoir en Italie.

Dans cette tentative de gérer le capital au niveau italien, on peut considérer que le PDS est un authentique héritier du gramscisme, tout comme Syriza d’Alexis Tsipras en Grèce.

Ses partisans en France, qui se sont manifestés dans les rangs du mouvement «Nuit debout !» (mars-juin 2016), ont fait du gramscisme un nouveau mythe, celui de l’autogestion généralisée sous forme de coopératives.

Les «intellectuels organiques» joueraient leur rôle au sein d’une nouvelle «république sociale» décentralisée, une sorte de capitalisme d’État tempéré par l’esprit coopérateur et autogestionnaire : «C’est l’abolition de la propriété lucrative – non pas bien sûr par la collectivisation étatiste (dont le bilan historique est suffisamment bien connu…), mais par l’affirmation locale de la propriété d’usage, à l’image de tout le mouvement des sociétés coopératives et participatives (SCOP), des entreprises autogérées d’Espagne ou d’Argentine, etc. : les moyens de production n’«appartiennent» qu’à ceux qui s’en servent» .

D’autres qui s’inspirent tout autant de Gramsci, en particulier Podemos en Espagne, en ont fait leur maître. Un organe de presse espagnole (El Confidencial) constate que qu’«Antonio Gramsci est à Podemos ce que Dylan est aux Beatles : son père spirituel» (sic) et, à juste titre, que le gramscisme a donné naissance à l’eurocommunisme, autant dire à un «communisme» social-démocrate.

Pablo Iglesias, comme les Indignés, nourrit son action – surtout médiatique – de quelques phrases de Gramsci dont il saupoudre son discours à défaut de les faire tatouer sur son avant-bras. La plus fameuse est celle où Gramsci s’indigne contre l’indifférence :

«Je hais les indifférents. Je crois comme Friedrich Hebbel que ‘vivre signifie être partisans’. Il ne peut exister seulement des hommes, des étrangers à la cité. Celui qui vit vraiment ne peut qu’être citoyen, et prendre parti. L’indifférence c’est l’aboulie, le parasitisme, la lâcheté, ce n’est pas la vie» .

Ce genre de rhétorique qui ravit jusqu’à l’extase les intellectuels gramsciens ne peut dissimuler le véritable enjeu politique actuel. S’agit-il simplement de prendre parti contre les maux quotidiens du système, de faire œuvre de citoyen «positif » en les dénonçant pour mieux les «corriger», ou d’avoir le mauvais esprit (partisan, cette fois-ci…) d’appeler à renverser le système capitaliste qui les engendre ?

Faut-il faire œuvre de «citoyen», engagé dans un associationnisme réformiste, ou f faire œuvre chirurgicale en appelant à mettre fin à un système qui mène à des crises et à des guerres sans fin ? Qui mettra fin à un tel système : le « citoyen » «indigné» ou une classe révolutionnaire, qui ne peut être que celle qui produit les richesses de ce monde : les travailleurs, conscients de leurs intérêts et de leurs buts, sous la condition qu’ils s’affirment comme une classe consciente.

Les idées véhiculées par Podemos, Syriza, les Indignés, sont soit du réformisme pur jus soit de simples velléités de changement sous des blasons plus ou moins utopiques. Dans une époque marquée par de la crise générale et mondiale du système capitalisme, il est douteux que ce gramscisme à la sauce sociale-démocrate fasse long feu.

Il faut espérer que les travailleurs ne se contenteront pas de mots et des belles paroles gramsciennes de Podemos . Leur indifférence ironique, mais agissante, face à cette logorrhée gramscienne sera leur meilleure réponse. Gramsci écrivait : «Le vieux monde se meurt. Le nouveau monde tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres» .

Cette phrase mille fois ressassée par les ‘gramsciens’ ne dit pas grand-chose et ne fait qu’entretenir l’ambiguïté sur la réalité du «monstre» à combattre, celui dont il faudrait s’indigner en haïssant «l’indifférence».

Ce genre de lapalissade peut viser le fascisme, le stalinisme, l’islamisme, les dictatures les plus bigarrées du monde capitaliste, les «monstres» politiques censés incarner le mal. Jamais ne sera évoquée par les bons «citoyens» gramsciens la terreur permanente jaillissant de l’effondrement d’un système dans la crise économique, les guerres meurtrières sans fin comme en Syrie. Jamais ne sera remis en cause le libéralisme économique et «démocratique» le plus impitoyable et le plus sanguinaire.

Le discours réformiste à la Podemos ou à la Syriza fera appel au «bon sens» populaire, opposera le «peuple» à la «caste». Ses mots d’ordre seront : «ni droite ni gauche», et pour Pablo Iglesias la glorification de la «patrie espagnole».

Ce genre de phrases, répétées comme des mantras, ne fait qu’entretenir la pire confusion. Elles laissent accroire que régulièrement surgiraient des «monstres» contre lesquels il suffirait d’agiter les simples hochets de l’indignation quotidienne. Les véritables «monstres» sont bien présents au quotidien depuis l’apparition des sociétés de classe et en particulier du capitalisme. Ils ne s’incarnent pas dans des périls qui pourraient surgir seulement demain ou après-demain, mais sont la toile de fond quotidienne d’un système fondé sur la marchandise, l’argent et les lois meurtrières de l’accumulation du capital :

«Si… c’est ‘avec des taches naturelles de sang, sur une de ses faces’ que ‘l’argent est venu au monde’, le capital y arrive suant le sang et la boue par tous les pores» .

Comme en 1915, face à la guerre impérialiste et à l’effondrement de l’Internationale, il est plus nécessaire que jamais d’affirmer que le monde capitaliste actuel s’affirme par des océans de sang, des destructions sans fin de l’homme comme de la nature, promettant à l’humanité le dépeuplement, la désolation, la dégénérescence, un immense cimetière.

«Nous nous trouvons aujourd’hui devant ce choix… : ou bien triomphe de l’impérialisme et décadence de toute civilisation et, comme dans la Rome antique, le dépeuplement, la désolation, la dégénérescence, un grand cimetière; ou bien victoire du socialisme, c’est-à-dire le combat conscient du prolétariat international contre l’impérialisme et la guerre, qui est son mode opératoire. C’est là un dilemme de l’histoire du monde, un ‘ou bien ou bien’ dont les plateaux de la balance oscillent selon la décision du prolétariat conscient. L’avenir de la civilisation et de l’humanité prolétariat dépend du fait que le prolétariat jette le glaive de son combat révolutionnaire avec une virile résolution dans le plateau de la balance» .

À «l’indignation» de type populiste, il faut opposer résolument la colère et la rage de la seule classe révolutionnaire de la société : le prolétariat international.

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